Alors que le Boss a dû reporter son concert à Marseille, il y avait quand même un peu de New Jersey Rock en France en ce début d’été, avec le passage de Southside Johnny and the Asbury Jukes à La Cigale. Dont on pourrait dire qu’il fut à la Soul des années 1960 ce qu’un concert de Chris Isaak est au Rock’n’roll : fidèle à sa lettre et à son esprit.
Southside Johnny et ses Asbury Jukes n’avaient donc pas mis les pieds sur une scène parisienne depuis 2017 et le Trabendo. Un groupe qui possède le rare privilège d’appartenir à deux galaxies musicales mythiques. Sans même détailler les croisements du chanteur Southside Johnny avec Springsteen et Little Steven dans la scène rock du New Jersey au début des années 1970, la présence de multiples crédits de Bruce et Little Steven dans la discographie du groupe sécurise pour ce dernier une place de choix dans la galaxie du Boss et de son E Street Band.
Sommet du groupe, Hearts of Stone est de fait, à deux chansons du Boss et une compo Southside Johnny / Springsteen / Little Steven près, un album majoritairement écrit par Little Steven. Suite à l’écoute de Trash it up – album produit par Nile Rodgers méritant son titre d’après sa sale réputation -, Gainsbourg partira, lui, au New Jersey avec Bambou enregistrer Love on the Beat avec le guitariste Billy Rush et le saxophoniste Stan Harrison. Deux désormais ex-Asbury Jukes qui feront partie du groupe de scène des deux dernières tournées de l’Homme à tête de chou.
Mais avant le New Jersey sur Seine, il y eut en première partie le Français Jack Art. Carrière musicale sans succès dans sa jeunesse, vie de famille rangée et travail dans la finance. Avant que l’appel de la musique se fasse plus fort ces dernières années. Rock classique mille fois entendu mais pas antipathique. Un bon amuse-gueule avant le plat principal. A ce stade on peut se demander pourquoi le concert est en places assises.
Southside Johnny donc. Une attitude extrêmement sympathique, avec ses remarques sur le comportement motorisé des Parisiens et sa propre chemise achetée par un autre membre du groupe. Et l’humour produit par ses tentatives maladroites de parler en français. Celles de faire chanter le public sur des reprises de standards auront des résultats contrastés : moyen pour Walk Away Renée, un peu mieux pour les chants garçons et filles séparés de Stagger Lee.
Southside Johnny déploie moins d’énergie que dans ses concerts de la fin des années 1970, mais sa voix de soulman blanc et l’investissement émotionnel sont heureusement là. Dans un esprit et une lettre empruntés aux backing bands des stars soul 1960s de la Motown et la Stax, le reste du groupe est toujours au service du morceau. Et ce, même lors du moment solo/quart d’heure de célébrité des musiciens, instant souvent trop propice en live à une démonstration technique.
Mais c’est avec un morceau composé par le Boss pour Hearts of Stone que le concert va décoller : le public se lève spontanément pour Talk to Me et une partie du public se rapproche de la scène. Offert à Southside Johnny par le Boss pour l’album I Don’t Want to Go Home, The Fever est ici épique. Suit une excellente cover stonienne de Happy. Sommet de Hearts of Stone, Trapped Again est un autre grand moment de cette seconde partie de concert. Avant de quitter la scène une première fois, le groupe dégaine un ironique I Don’t Want to Go Home.
Lors du premier rappel, Southside Johnny arrive avec un maracas, plaisantant sur une supposée conservation du second par la douane. Maracas qui sera donné à un membre du public. Suit une reprise de Sherry Darling du Boss prenant des couleurs mexicaines avec les cuivres. Paris aura droit à un second rappel. Un medley de Sam Cooke (Having a Party / Cupid / A Change is Gonna Come). Southside Johnny prête son micro à un spectateur, dédicace un bouquin à un fan pendant que les cuivres vont faire un tour dans la foule.
A moins de considérer YouTube comme tel, la machine à remonter le temps n’existe pas, rendant impossible d’assister à un concert de 1979. Mais en attendant, ce concert parisien fut un beau voyage du côté du New Jersey et de la Soul Music classique, ainsi qu’un moment attachant passé avec Southside Johnny.
Texte : Ordell Robbie
Photos : Philippe Del Medico / Thierry Cottier – Copyright Shooting Idols (merci à eux !)