Inès donne une note moyenne au Airbnb. Jean, le propriétaire, est très fâché car cette note va le rétrograder sur la plateforme. Il veut lui faire changer sa note en imaginant un tas de subterfuge. Du Feydeau dans l’intrigue, du Molière dans la morale et de la série TV dans l’écriture de ce roman signé de Frédéric Azar.
Scénariste pour la télévision, Frédéric Azar, avec ce court mais percutant roman, propose une satire de notre société qui compte tout pour que les profiteurs gagnent toujours plus. Pour illustrer cette satire, il raconte avec une belle verve, l’histoire d’Inès et Jean qui n’avait rien pour se rencontrer mais que la société de l’évaluation perpétuelle a mis sur la même scène où ils doivent en découdre pour assurer leur avenir tant pécuniaire que social.
Inès jeune comédienne, rédige un scénario qu’elle pense pouvoir vendre à un producteur à l’occasion du Festival de Cannes où elle se rend l’espoir au cœur. Elle loge dans un Airbnb appartenant à Jean qui a fait le pari de faire fortune en achetant des appartements pour les louer sur cette plateforme. Inès est furieuse, elle n’a pas rencontré le producteur qui pourrait être intéressé par son texte, elle est aussi agacée par toutes les recommandations affichées dans ce gîte. Dans le train en rentrant à Paris, elle rédige un commentaire à l’intention du propriétaire et du gestionnaire de la plateforme, elle n’est pas très généreuse, elle est encore sous le coup de la colère…
Quand Jean découvre ce commentaire, il est catastrophé, son logement risque de perdre son excellent classement sur le site est d’être rétrogradé dans l’ordre d’apparition sur l’écran, donc d’être moins loué. C’est une mauvaise affaire pour Jean dont les remboursements sont à la hauteur de ses revenus, si ceux-ci baissent il risque de perdre beaucoup et de mettre en péril le château de cartes qu’il a construit peu prudemment. Il décide de prendre contact avec Inès pour lui faire changer sa note mais celle-ci est très têtue et ne veut pas démordre de son évaluation. Jean invente alors tout un tas de subterfuges, tous plus fous les uns que les autres, pour la faire changer d’avis mais rien n’y fait…
Cette intrigue est écrite comme le scénario d’une pièce de théâtre de boulevard, les péripéties claquent comme les portes dans ce type de pièce, elles s’enchaînent sur un rythme soutenu tenant toujours le lecteur en haleine. Dans ce texte un peu fou, l’auteur étale toute sa créativité et toute sa verve mais s’il fait rire, il ne fait que ça, son texte a aussi une autre dimension : une satire de notre société qui évalue tout et surtout tout le monde au risque de générer bien des drames personnels. « Dans le monde néolibéral dans lequel on vit, on est toujours évalué. Il faut être en permanence performant. C’est comme ça. C’est de moins en moins humain… ». L’auteur l’a écrit, ses personnages le comprendront peut-être ?
Une bonne lecture de vacances que je n’ose évaluer de crainte de nuire à l’auteur qui nous laisse avec une belle morale « … A vivre les yeux rivés sur ses désirs de réalisation personnelle, on passe à côté de sa vraie vie. », et à son éditeur qui l’a choisi.
Denis Billamboz