Mardi dernier, triste soirée à la Cigale où, en même temps, la France se faisait éliminer de l’Euro : The Breeders, qui n’ont de toute manière jamais été très intéressants sur scène, nous ont « régalés » d’un set sans grand intérêt, nous rappelant par la-même que la nostalgie est une bien mauvaise conseillère.
Soyons réalistes, et désespérément honnêtes : The Breeders ont toujours été un piètre groupe de scène. Ceux qui les suivent depuis leurs débuts en 1989 peuvent tous raconter d’horribles histoires où, l’alcool n’aidant en rien, le groupe était submergé de problèmes techniques et pas loin d’être incapable de jouer correctement. Et que, même lorsque les sœurs jumelles se sont ressaisies, le charme qu’elles pouvaient dégager sur scène tenait plus à leur amateurisme foutraque et sympathique qu’à quoi que ce soit d’autre : dans leurs meilleurs jours, et nous en avons connus, The Breeders sonnaient avant tout comme un petit groupe du coin en train de répéter dans leur garage… ce qui ne manquait d’ailleurs pas de charme ! Mais voilà, Last Splash, leur unique grand album, qui contient en plus ce que nous considérons comme l’une des plus formidables chansons jamais écrites, Cannonball, a trente ans (trente-et-un ans, en fait) et The Breeders passent relever les compteurs, dans une Cigale sold out : difficile de refuser d’être là, même si, au fond de notre cœur, nous savons bien que la nostalgie est très mauvaise conseillère. Et qu’il vaudrait certainement mille fois mieux être à quelques pas de là, sur le même boulevard, pour écouter le génial Kevin Morby, même en solo…
20h : la soirée commence de manière littéralement catastrophique, avec l’une des pires choses que nous ayons écoutées depuis des lustres : Big Joanie, groupe féministe militant d’obédience punk (enfin, en étant gentils) originaire de Londres. Soyons brefs : en dépit de l’immense sympathie qu’on éprouve pour les causes qu’elles défendent, les Londoniennes se sont avérées absolument incapables de nous offrir quoi que ce soit d’intéressant, hormis un filet d’eau tiède, un enchaînement de platitudes sans âme et sans vie, qui plus est pénalisé par un son confus. 30 minutes d’un vide abyssal, qui peuvent concourir au titre de plus mauvais set vu en 2024 à date. Pas de quoi nous mettre de bonne humeur.
21h : The Breeders sont là, la salle est comble, le public – pas très jeune en général – est à fond, et la chaleur déjà insupportable. Les sœurs Deal sont en pleine forme, tassées l’une contre l’autre à gauche de la scène, et semblent même rajeunies. Josephine Wiggs, qui, à la différence de Kim et Kelley, n’a jamais été un « bundle of joy », arbore un look pour le moins sévère (d’ailleurs, lorsqu’elle parlera ce soir, ce sera pour vanter les charmes du cimetière du Père Lachaise – MetaGoth girl ?). Jim MacPherson, le batteur géant des débuts du groupe, rayonne littéralement d’être là, de retour, et ne cachera pas son enthousiasme tout au long de la soirée. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer alors qu’on sait que la setlist sera en majeure partie composée de titres de Last Splash ?
Eh bien, tout simplement que The Breeders, même avec une Kim Deal tout sourire dehors, débarrassée de ses excès passés, même avec d’excellents titres à jouer, restent un mauvais (pour ne pas dire un très mauvais) groupe de scène. Si le set a plutôt bien démarré avec un bon enchainement Saints / Wait in the Car / Doe, trois morceaux courts, nerveux, bien « comme on aime », on perçoit peu à peu que quelque chose tourne à vide : ce n’est même pas que, comme toujours – et ça ne changera jamais -, Kim chante mal (on l’aime même beaucoup pour ça), que le groupe n’est pas en place et ne réussit jamais à insuffler la moindre énergie à des titres qui devraient être percutants ; non, c’est juste qu’il n’y a tout simplement pas grand-chose d’intéressant qui se passe. On décroche peu à peu, en particulier devant certains titres réellement maladroits et… ENNUYEUX au possible, et on se rend compte à la moitié du set qu’on n’en a pas grand-chose à faire, des Breeders. Certains ressortent leur portable pour vérifier la dégelée que l’équipe française de foot se prend de la part des Espagnols dans l’Euro, mais, admettons-le, la foule continue à s’amuser toute seule en rêvant qu’on est encore dans les années 90. Et en faisant semblant de rire sur les plaisanteries bébêtes des sœurs Deal (on entendra quand même un réfractaire crier : « Speak in French ! » quand certains monologues de Kim dureront trop longtemps).
C’est quand Cannonball déboule, au bout de cinquante-cinq minutes d’un set qu’on a renoncé à réellement écouter, que l’évidence se fait : cette chanson terrible, ressassée des milliers de fois sans lassitude, c’est dans notre tête qu’on l’écoute et qu’on l’aime, en essayant de faire abstraction de la version scolaire et plate que The Breeders interprètent sur scène. Et la même catastrophe se reproduira avec Gigantic, en clôture de set : on parle là de ce qui est sans doute la meilleure chanson des Pixies, qu’on ne pouvait pas écouter sur scène sans en avoir les larmes aux yeux de bonheur : ce soir, Gigantic est simplement sans intérêt. Tiens, on va la rebaptiser pour l’occasion : Minuscule.
Le rappel commence très mal avec un interminable et assez pitoyable Walking With a Killer, avant un tout juste correct Divine Hammer. Vite, fuyons ! En jurant qu’on ne nous y reprendra plus. Et en nous demandant ce qui nous a poussés à un tel masochisme, alors que la scène Rock actuelle regorge de musiques formidables et vivantes.
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil (Photos soumises à l’acceptation du groupe : seules les 3 photos des Breeders illustrant cet article ont été acceptées, pour des motifs parfaitement obscurs !
Petite précision footballistique : dans un résultat final une dégelée c’est 3 buts d’écart et non 1 même si il s’agit d’une défaite !
En football une dégelée ce n’est pas un but d’écart mais trois !