On ne peut décidément pas se fier au « buzz » : annoncé comme une nouvelle date dans l’histoire tumultueuse du « film de serial killer », Longlegs s’avère finalement un bouillon indigeste dans lequel surnagent quelques ingrédients rapidement dilués dans la fadeur générale.
Il faut évidemment se méfier du buzz et des superlatifs qui accompagnent toute promotion d’un film. Mais lorsqu’on n’est pas trop client du film d’horreur, et que l’un d’entre eux se détache par une série de louanges, on est forcément un peu curieux. Longlegs bénéficie donc d’une certaine hype, annoncé comme une nouvelle version du Silence des agneaux, profondément terrifiant et générant un malaise à nulle autre pareille. Sa bande-annonce très prometteuse pose les bases d’un univers opaque et inquiétant, qui tient ses promesses dans la séquence d’ouverture, où l’on joue la carte d’un format réduit, d’une image amateur et d’une apparition presque subliminale du mal.
La bonne idée initiale du film tient dans cette volonté de situer son récit dans une époque vaguement lointaine (les années 90), sorte de zone grise entre un passé clairement identifiable et iconique (les 70’s) et aujourd’hui. Sur ce plan, tout le travail de la direction artistique est assez remarquable, au sein d’une Amérique paumée et terne, dans de vastes maisons inhabitées (jolie intervention dans celle bâchée de plastique) ou saturées d’objets et d’espaces dérobés.
L’ambiance fonctionne donc un temps, notamment par l’ambivalence maintenue sur le caractère surnaturel ou non des enjeux (le test de l’agent face à ces tableaux abstraits), et offre en récompense à la patience du spectateur quelques savoureux gouffres de grotesque lors des interventions d’un Nicolas Cage (aussi à la production) toujours présent lorsqu’il s’agit de performer en roue libre.
Il en faut néanmoins davantage pour prétendre rivaliser avec les modèles du passé et les références un peu trop convoquées. Du Silence des agneaux, on regrettera une véritable atmosphère, des personnages fouillés et complexes, et une photographie autrement plus abrasive et granuleuse. Quant aux références à Seven ou Zodiac, elles rappellent surtout à quel point la distance est grande entre ceux qui maîtrisent la mise en scène et ceux qui en font un ostentatoire et stérile faire-valoir.
On peut faire preuve de bienveillance face à ces ambitions un peu prétentieuses, qui témoignent finalement surtout d’une bonne intention, celle de faire gagner l’œuvre en qualité pour la ranger dans cette appellation très discutable de l’elevated horror. Difficile en revanche d’être tolérant sur les développements d’une intrigue slalomant entre la stupidité et la négligence la plus crasse.
À partir du moment où le fantastique fait son entrée, les rênes sont lâchées et tout devient possible, dans un fatras de clichés (poupée possédées, familles massacrées, passé traumatique, mère toxique), de ressorts faciles (l’amnésie, tiens donc…), de coïncidences pesantes (la famille du co-équipier et l’anniversaire de sa fille) et de cérémonies confuses à la gloire de Satan, dont la finalité n’est rien d’autre qu’un bain de sang qui aurait pu se passer d’autant de circonvolutions.
En résulte un bouillon indigeste dans lequel surnagent quelques ingrédients rapidement dilués dans la fadeur générale. Et lorsqu’on se dit que même les apparitions de Cage auraient pu être réduites pour qu’il gagne en intensité, il ne reste du film qu’une série d’images détachées de tout son scénario : sa bande-annonce, en somme.
Sergent Pepper