On nous avait promis que la quatrième saison de The Boys serait la dernière, et on sent qu’Eric Kripke et son équipe ont fait le maximum pour qu’elle soit inoubliable. D’où notre surprise et (légère) déception devant un final en cliffhanger dont on devra attendre la résolution pendant encore au moins un an.
Annoncée à l’avance comme la dernière saison de The Boys, très impressionnante (curieuse, originale, provocatrice, engagée politiquement, mais aussi remplie de violence graphique totalement gratuite) série de la maison Amazon qui a accumulé un public croissant – et enthousiaste – au fil des années, cette saison 4 poursuit sur la même trajectoire, en essayant – pour ce qui ressemble à un baroud d’honneur – à pousser tous les curseurs dans le rouge.
Après un démarrage un peu moins stimulant (où il s’agit surtout de ridiculiser Trump et ses supporters, qui ont d’ailleurs réagi assez violemment, en se rendant – enfin ! – compte qu’ils étaient la cible de The Boys), Eric Kripke et sa bande de scénaristes fous font en sorte que chaque épisode contienne au moins un moment choc, dont la planète entière fera ses choux gras durant la semaine suivant sa diffusion. C’est un choix, certes réjouissant, mais qui se fait quand même aux dépends de la narration, encore plus bancale que d’ordinaire : on sait que la fluidité scénaristique n’a jamais été une qualité de The Boys, mais cette fois, on s’éparpille encore un peu plus, au point qu’on se rend compte au bout de quelques épisodes qu’on se moque un peu de ce qui se passe dans ce « dernier combat » titanesque entre Homelander (le Protecteur en VF) et ses ennemis (The Boys, mais aussi les services secrets gouvernementaux), puisqu’on attend surtout, chaque semaine, de voir les réjouissantes horreurs qu’on nous a concoctées !
Si l’on fait un bilan, on a donc cette fois une saison à l’histoire confuse – partant du plan de Homelander de gouverner les USA, avec ses superhéros comme force de police, après avoir fait élire une vice-présidente à sa botte et avoir assassiné le président, et des tentatives de ses ennemis visant à déjouer ses projets -, mais plusieurs épisodes totalement inoubliables. Dans notre panthéon personnel, nous placerons en tête le tétanisant quatrième épisode (Wisdom of the Apes) où Homelander se venge cruellement de ses tortionnaires, un épisode qui consacre enfin Antony Starr comme un IMMENSE acteur, dans un rôle à la fois terrifiant et – pour une fois – bouleversant : après une telle démonstration de talent, cet acteur néo-zélandais quasiment inconnu aux débuts de The Boys devrait devenir une star planétaire ! Et puis il y a l’incroyable épisode six (Dirty Business) jouant sur les codes du sado-masochisme pour créer des scènes profondément gênantes (là, pour le coup, l’Amérique puritaine a beaucoup moins apprécié que les scènes de violence !).
Bien sûr, derrière la débauche de sang et de liquides corporels divers, The Boys dresse un portrait terriblement déprimant d’une Amérique divisée en deux camps se haïssant mutuellement, au bord de la guerre civile, avec les troupes populistes prêtes à descendre dans la rue quand les résultats des élections ne sont pas ce qu’elles espèrent (toute ressemblance etc., etc.), mais aussi une charge satirique violente contre le discours d’extrême droite des fondamentalistes chrétiens hystériques quand il s’agit de dénoncer tout ce qu’ils qualifient de « wokisme ». « Toutes les démocraties échouent à cause de la stupidité du peuple » est évidemment la phrase-clé qui est prononcée à mi-saison… Cependant, le plus intéressant dans « l’analyse » de The Boys est que, après trois saisons où c’était l’Amérique « Corporate » (représentée par Vought et les médias à sa botte) et son capitalisme sauvage qui tiraient les ficelles, on voit cette fois que les businessmen cyniques sont dépassés – et balayés – par le monstre « fasciste » qu’ils ont créé. Soit quelque chose de pas très éloigné de ce que nous sommes en train de vivre à l’échelle planétaire.
Arrivés au huitième épisode et à son final terriblement sombre, il nous faut bien admettre que l’histoire se poursuivra dans une cinquième saison : c’est quand même une déception, à moins que Kripke et sa bande n’aient surtout prévu d’accompagner dans la série les soubresauts de la politique US (et mondiale), rechignant à abandonner leur univers dystopique à un moment clé comme celui que nous vivons, où les forces obscures semblent triompher.
PS : le visionnage de cette quatrième saison suppose que l’on ait aussi regardé Gen V (2023) pour comprendre son déroulement.
Eric Debarnot