En ce mois de juillet parisien peu riche musicalement, comme si les JO avalaient toute concurrence, on accueillait à la Maro Waxahatchee, étoile montante aux USA de la nouvelle country teintée d’indie rock…
« Waxahatchee » ! Ce mot imprononçable ressemblant à un éternuement, c’est le nom de scène de Katie Crutchfield et son groupe, étoile montante de « l’indie-country » (si une telle chose existe). Et le public parisien, même dans cette période de vacances et de JO, ne s’y est pas trompé, et a rempli à ras bord la Maroquinerie pour l’accueillir…
A 20 heures, c’est d’abord une jeune femme seule qui s’assied devant nous, alors que la Maroquinerie n’est pas encore pleine, armée de sa guitare. Seule ? Non, car Anna St. Louis est appuyée au piano – et au chant – par un musicien dont nous découvrirons ensuite qu’il fait partie de Waxahatchee, et le duo se lance dans une superbe chanson, Trace : de la grâce, de la subtilité, et un calme profond se dégagent. La voix est parfaite, l’interprétation est d’une délicatesse infinie, les mélodies délicates mais agréables… On s’apprête à passer une belle ouverture de soirée… Mais le problème sera que pendant les quarante minutes qui suivront, on restera exactement dans le même registre, au point de se lasser un peu. Anna s’en excuse d’ailleurs, en riant : « Mon set est très calme… mais ne vous inquiétez pas, avec Waxahatchee, vous aurez de l’énergie, ensuite ! ». Bon, c’est bien noté. L’arrivée d’un autre musicien, virtuose de la pedal steel guitar, renouvelle un peu notre intérêt sur Better Days, et la reprise d’un titre de Fleetwood Mac variera un peu l’atmosphère. Ceci dit, c’est quand même un défi de tenir le public suspendu à ses lèvres et à quelques accords de guitare acoustique, et Anna St. Louis l’a relevé !
21 heures : la Maro est pleine comme un œuf d’un public très enthousiaste pour accueillir Waxahatchee, c’est-à-dire Katie Crutchfield, accompagnée de quatre musiciens – on reconnaît donc le pianiste et le spécialiste de la pedal steel dans la troupe – qui ne sont pas là pour enfiler des perles, on vous prie de croire. Katie elle-même, d’une décontraction extrême, et particulièrement enthousiaste et souriante, s’engage à fond dans Tigers Blood, son nouvel album, qui sera interprété ce soir en son intégralité… et dans l’ordre ! (enfin, si l’on excepte 365, qui sera réservé pour le rappel…). A noter que dès la fin de 3 Sisters, l’intro façon montée en puissance, Katie jette sa casquette jaune dans la foule, à la grande joie des fans ! Ice Cold est aussi percutant que sur l’album, et le « tube » Right Back to It, d’une redoutable efficacité, met tout le monde en joie dans la salle, où l’air conditionné qui nous avait accueillis à notre arrivée n’arrive plus à faire face à la montée en température de la musique et du public… On se fait la remarque que, plus que sur le disque, il y a quelque chose de R.E.M. dans cette musique, et ce n’est bien sûr pas fait pour nous déplaire.
Le déroulement de l’album est interrompu régulièrement par un retour en arrière sur Saint Cloud, le disque précédent (8 titres joués, quant même, dont le remarquable Oxbow, l’un des sommets du set) et sur son disque sorti sous le nom de Plains, en collaboration avec Jess Williamson (3 titres) : des variations de style qui sont finalement bienvenues, car elles créent des ruptures au sein d’une setlist presque trop cohérente, finalement. Crowbar, très R.E.M. à nouveau, est particulièrement enthousiasmant, pour beaucoup grâce à l’énergie positive déployée par Katie et par le groupe tout entier, qui donne vraiment l’impression de s’amuser.
Le set se termine sur une version très rock, très enlevée de Tigers Blood, presque méconnaissable, et qui montre un groupe capable de faire monter la pression (au point qu’on se dit qu’on aurait bien aimé un peu plus de telles explosions d’énergie !). Le rappel est, du coup, moins intense, avec deux chansons jouées en acoustique et le très joli Fire pour clore une heure et demie d’une belle générosité.
D’après nos archives, Waxahatchee n’était plus passée par Paris depuis juin 2018, quand elle avait fait l’ouverture d’un concert de Courtney Barnett au Bataclan. Il est incontestable qu’en 6 ans, elle a fait beaucoup de chemin, accompagnée par des critiques dithyrambiques aux USA. Au vu de ce set, on peut prédire qu’elle ne s’arrêtera pas là !
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil