Maxime De Lisle et Renan Coquin nous convient à une triste plongée au cœur des turpitudes de la pêche au large en Afrique de l’ouest.
L’histoire débute par un rendez-vous entre un haut fonctionnaire béninois et le représentant d’un armateur chinois. Le premier va se laisser corrompre. Pourquoi serait-il le seul à rester intègre dans un système pourri ? Au même moment, Marius, un jeune pêcheur, tente de nourrir sa famille. Mais alors que ses père et grand-père parvenaient à vivre de leur travail, le poisson a disparu. Marius est contraint de vendre sa pirogue pour se faire embaucher par un chalutier local. Or, ce dernier se fait prendre alors qu’il pêche dans une zone interdite. Pour vivre, il ne lui restera que l’émigration, toute aussi illégale. La démonstration est imparable : la surpêche tue.
Ancien officier en second sur un navire de l’ONG Sea Shepherd engagé dans une longue compagne contre la surpêche sur les côtes du Bénin, Maxime De Lisle est bien placé pour décrire la vie à bord. Son scénario hésite entre le témoignage direct de l’auteur, le docu-fiction, avec, en fil rouge, le personnage de Marius, et un plus classique documentaire, avec de pleines pages d’explications, de schémas et de chiffres. Le résultat est légèrement indigeste, même si cette lourdeur peut être justifiée par l’état d’urgence.
Dans l’indifférence générale, les bateaux usines chinois et occidentaux, plus ou moins légalement, vident les océans afin de satisfaire notre passion irraisonnée pour les sushis ou le saumon d’élevage, condamnant les populations côtières des pays pauvres à la famine et à l’exil. Manifestement, le sort des bébés phoques et les baleines nous interpellent plus que celui, pour autant tout aussi vital, des requins ou des thons.
Semi-réaliste, le dessin à l’aquarelle de Renan Coquin est sobre et efficace. Ses visages anguleux sont beaux et ses planches marines particulièrement réussies. Sa mer bouge avec le vent et sa faune aquatique appelle désespérément à l’aide. L’océan ensanglanté par le chalutage de la couverture apporte une note tragique supplémentaire.
Les choix scénaristiques rappellent le récent album Rescapé.e.s de La Boîte à Bulles consacré au sauvetage en mer des migrants. De fait, qu’il s’agisse de sauver des êtres humains ou le monde marin, l’urgence est la même et l’engagement des équipages des ONG tout aussi fort. Pensez-y quand vous mangerez du saumon !
Stéphane de Boysson