Comme prévu, la conclusion offerte par Wine Lips et A Place To Bury Strangers a été parfaite, et a encore consolidé notre amour pour ce festival différent et audacieux.
On est dimanche déjà, il fait très beau, la ville de Binic est pleine de touristes venus profiter du soleil et de la mer. Quant à nous, la fatigue commence à nous gagner, d’autant que la programmation de la journée est moins excitante, et que le temps risque de paraître long avant un final en fanfare avec Wine Lips et A Place to Bury Strangers.
16h00 : Drôle d’introduction de cette troisième journée à la Scène de la Banche, que ce The Cherry Pies : un quatuor d’Italiens férus des sixties, avec leur musique qui sent le club nocturne pour disciples convaincus, alors qu’on est en plein après-midi et que le soleil frappe fort sur la plage : la voix « acide » du chanteur (et son chant de prime abord incertain), et le son tellement typique de l’orgue « à la Farfisa » se perdent dans l’atmosphère de vacances. Et puis on réalise qu’on est injuste, que chaque chanson semble meilleure que la précédente, que le groupe prend de l’assurance et de la puissance… qu’une véritable classe se dégage de cette musique écrite selon les codes du genre. Au final, The Cherry Pies nous offrent un set étonnant, qui se conclut sur plusieurs chansons bien accrocheuses… Mais la cerise sur le gâteau, c’est qu’une fois les instruments posés, le chanteur-guitariste met un genou à terre et déclare sa flamme à sa dulcinée (l’organiste) : elle accepte la bague qu’il lui tend, ils s’embrassent. Tout Binic explose de joie, d’émotion. C’est très chou, non ? Quel beau début de programme, en fait !
17h15 : La suite ne sera malheureusement pas au niveau. La suite, c’est Goutlaw, quatuor qui prétend jouer du « Rock abrasif » (quoi que ce soit que cela signifie), venu de Melbourne, et qui a surtout trop écouté le Fun House des Stooges pour son bien. Le problème c’est qu’ils n’ont pas compris que prendre des poses « rock n roll » et dire « fucking » dans chacune de ses phrases ne dispense pas d’écrire des chansons. Chaque titre commence plutôt bien sur un riff de basse et un déluge d’électricité à la guitare, mais se perd ensuite rapidement dans un gloubi-boulga informe, parsemé de breaks malvenus. Comme, en plus, le chanteur est mauvais, antipathique, et n’a qu’un seul jeu de scène, se plier en arrière en éructant son… euh texte (et on ne mentionnera qu’en passant son obsession pour Noël, qu’il pense sans doute drôle), et que le bassiste pense qu’exhiber ses pectoraux, rouler les mécaniques et frimer comme si on était encore au début des années soixante-dix lui permettra de séduire plein de jolies vacancières, il n’y a vraiment rien à sauver de ces 45 minutes dépassées, pénibles, ridicules. L’honnêteté nous pousse à reconnaître que quelques personnes devant la scène ont apprécié ce cirque. Pour notre part, ce set catastrophique nous rassure : même en Australie, il y a de très mauvais groupes qui n’ont rien compris au Rock.
18h30 : Défaillance de la programmation du festival ou bouche-trou permettant au public d’aller se désaltérer ? Revoir Jamie Hutchings en solo acoustique, après la session de vendredi qui n’était pas non plus passionnante, n’est pas la meilleure façon de redresser l’après-midi. Rien à ajouter par rapport à sa prestation précédente, bien que ces 45 minutes nous aient paru plus intéressantes, avec un choix différent de morceaux, si ce n’est qu’on apprend que la guitare acoustique sur laquelle il joue est celle de Ludo, et qu’il nous raconte une anecdote touchante sur sa découverte de la ville de Binic 15 ans plus tôt.
19h45 : Party Pest, c’est un Girls Band en bonne et due forme. Elles sont australiennes, bien entendu, même si l’Australie est encore loin de la parité dans le Rock’n’roll (d’ailleurs un t-shirt « More Women on Stage » sera exposé sur un ampli). On va situer ce qu’elles font du côté des B52s avec une touche Go-Go’s : des mélodies pleines de peps, des vocaux pétillants, des refrains faciles à reprendre avec elles, des gimmicks aux claviers, des vêtements fluos, que faut-il de plus pour notre bonheur ? Que les filles aient appris quelques phrases sympathiques en Français ? Eh bien elles l’ont fait ! Party Pest nous offrent 45 minutes de joie de vivre, de féminisme souriant, pour nous remettre en selle et nous préparer à une fin de festival qui s’annonce intense. Jolie conclusion avec le duo Ain’t You / Party Pest Theme (« We are Party Pest / You are the party !!! »).
21h00 : L’Australie, c’est fini, pour le coup, et on accueille notre grand espoir de la journée, le combo punk-garage canadien Wine Lips, dont tout le monde parle depuis un moment.
Et dès l’intro littéralement surhumaine de Get Your Money, la messe est dite : c’est un truc parfaitement monstrueux que ces grands énervés nous offrent, avec deux guitares (virtuoses) et une basse soudées en un magma compact et dévastateur, une batteuse rayonnante et déchaînée, et un chant parfaitement déjanté. Nous sommes partis pour trois quarts d’heure de plaisir intégral. Et ce d’autant que ces petits malins ont plus d’une corde à leur arc, et abordent avec autant d’aisance la forme psyché, avec de longs enchaînements de morceaux variant considérablement les rythmes, déployant une complexité formelle que l’on n’espérait pas. Au jeu des comparaisons, on pourrait dire qu’on est tour à tour dans des styles musicaux évoquant Frankie & The Witch Fingers, OSees et Bass Drum of Death : que des références de très haut niveau pour qui aime la musique ravageuse. On les reverra rapidement, puisqu’ils seront de passage à Paris à la rentrée !
Une seule mauvaise nouvelle avec Wine Lips, c’est le retour « à la mode » de la coupe mulet, qui, combinée à des cheveux peroxydés, fait réellement froid dans le dos.
22h20 : Beaucoup de spectateurs autour de nous ne savent rien de A Place to Bury Strangers, et sont donc totalement ignorants de ce qui va leur arriver. Et Oliver Ackermann ne va laisser aucune chance au public, rapidement hébété, avant d’entrer dans la transe hystérique désirée. Raconter un concert de APTBS nécessite plus de talent que nous n’en avons, étant donné qu’on parle là d’une « expérience » artistique et sensorielle plus que d’une simple musique jouée par un groupe devant des spectateurs. Nous vous proposons donc une description au tarif minimum syndical.
Dans une obscurité traversée d’éclairs blancs et baignée occasionnellement de fumées rouges ou bleues, un forcené (Oliver) détruit sa guitare durant les dix premières minutes mais continuera à jouer sur les fragments restants, avant de se perdre une quinzaine de minutes dans la foule avec sa section rythmique, pour nous régaler de beuglements hystériques. Puis, quand le trio revient sur scène, on repart pour une bonne demi-heure de musique speedée et hurlée, mais noyée dans un mur de son qui laisse peu d’oxygène pour que l’on puisse s’exciter et danser. A la fin, Oliver le fou furieux frotte son ampli tenu à bouts de bras contre son micro pour nous dévaster les tympans d’un larsen infernal, et joue avec sa vie en frottant un spot lumineux contre sa guitare mourante pour terminer la nuit dans un fracas « son et lumière » un peu différent de ceux réalisés dans les châteaux historiques français chers à nos rassemblés nationaux.
Si vous vous demandez pourquoi c’est beau, pourquoi c’est grand, pourquoi c’est du pur Rock’n’roll, c’est que vous n’avez pas encore vu APTBS. Une pensée : le jour où APTBS joueront pendant la cérémonie d’ouverture des JO, on saura que le monde a enfin changé.
Et voilà, Binic, c’est fini. Binic, c’était beau, merci Ludo ! On reviendra l’année prochaine !
Texte et photos : Eric Debarnot
Concernant wine lips, pas de doute sur leur performance du dimanche : la tuerie du week-end. Et accès direct au top 3 de Binic sur quelques années. Merci beast pour cette grosse tarte.
Concernant wine lips, pas de doute sur la performance du dimanche : la tuerie du week-end. Et accès direct au top 3 de Binic sur quelques années. Merci bfbf pour cette grosse torgnole.