Yves Klein, connu surtout pour avoir inventé ce bleu si particulier, à la fois mat et lumineux, aura laissé son empreinte dans l’art moderne. Cet ouvrage constitue une bonne approche pour mieux faire connaissance avec l’artiste, car peu importe qu’on l’apprécie ou non, il reste intrigant…
Le bleu, le bleu, rien que le bleu… Si cette phrase pourrait assez bien résumer Yves Klein, ce biopic nous montre par quel cheminement l’artiste a conçu cette couleur unique, le bleu « IKB », qui devint le socle de son art monochromatique.
Yves Klein – Immersion, première bande dessinée consacrée à Yves Klein, représente une approche satisfaisante et plutôt exhaustive, pour tous ceux que l’artiste intrigue, connu pour son célèbre bleu IKB (International Klein Bleu). Julian Voloj, scénariste allemand coutumier des biographies de personnalités singulières, nous offre un récit respectant la chronologie du parcours de Klein, de son enfance à sa mort, incluant quelques digressions agrémentées par le trait vivant et poétique de Wagner Willian, dessinateur brésilien dont cette BD est la deuxième collaboration avec Voloj. Tout en minimalisme et légèreté, son dessin sait s’effacer derrière l’homme, dont l’obsession était de « libérer la couleur de la prison de la ligne ».
Né en 1928 de parents artistes-peintres vivant dans le sud de la France, le jeune Yves eut une enfance insouciante, loin du tumulte de la seconde guerre mondiale. Écartelé entre deux passions, le judo et la peinture, il dut se résigner une fois adulte à opter pour la seconde, mais son goût pour ce sport l’orienta naturellement vers la philosophie bouddhiste qui eut un impact majeur sur son art. Avant d’inventer ce bleu outremer si particulier, pour lequel il déposa un brevet, l’artiste s’était déjà essayé aux monochromes avec différentes couleurs, mais sa passion pour le bleu finit par l’emporter. Grâce à son IKB, Klein semblait avoir trouvé sa voie, celui-ci serait désormais sa couleur signature, lequel devait permettre une totale « immersion » dans l’espace, avec cette sensation de « pure et pleine sensibilité ».
Que l’on apprécie ou non le travail de cet artiste, sa « découverte » a constitué une petite révolution dans le monde de l’art au XXe siècle. Son approche plus conceptuelle que formelle, pouvait légitimement dérouter le grand public, mais l’homme, un rien mégalo (comme souvent les artistes reconnus), pensait sincèrement être à l’avant-garde, estimant que dans le futur, on ne peindrait plus « qu’une seule couleur à la fois » : dessin, lignes et formes auraient disparu, seule subsisterait une couleur répartie régulièrement sur la toile. Alors, grand visionnaire ou simple mystificateur, Monsieur Klein ? Quant au public, se diviserait-il entre les admirateurs sincères, les snobs suiveurs de mode (et accessoirement investisseurs sur le marché de l’art) et les profanes dépourvus de sensibilité artistique ? Il appartiendra à chacun d’en juger, mais il faut l’admettre, personne avant lui n’avait jamais fait ça. Le mieux serait sans doute de refaire le point dans 100, 500 ou 1000 ans…
Yves Klein – Immersion, qui n’a pas vocation à débattre de la question, est avant tout un hommage, que l’on peut qualifier de sincère, sur une figure artistique incontournable de l’art moderne. Même si on pourra rester dubitatif quant à son importance et son talent, cette lecture, en plus d’être enrichissante, amènera peut-être à revoir ses propres certitudes, face au parti-pris quasi spirituel de l’artiste qui consistait à questionner en permanence « l’illusion de l’art ».
Laurent Proudhon