Nos 20 albums préférés des années 60 : 2. The Beach Boys – Pet Sounds (1966)

Rétrospective des années 60 vues par le petit bout de la lorgnette, c’est-à-dire nos goûts personnels plutôt que les impositions de « l’Histoire ». 1966, c’est avant tout l’année de Pet Sounds

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Le succès est une sempiternelle contradiction dans l’âme de l’artiste, un processus de distanciation ancré souterrainement dans l’inconscient, la déformation du réel qui réconcilie avec l’imaginaire, avec le rêve. A sa sortie, le onzième disque des Beach Boys est un tournant majeur pour le groupe mais surtout pour son géniteur, Brian Wilson. Un virage fondamental qui sonna le glas d’une musique jusqu’ici guillerette, en lien avec la surf music.

The-Beach-Boys-Pet-SoundsAu delà d’une pochette trompeuse, à l’évocation infantile, il y a en arrière-plan, toute la triste beauté du désenchantement qui est exprimée avec une humilité désarmante dans un format de 36 minutes. Ce qui est marquant lorsqu’on découvre Pet Sounds, c’est une série de compositions introspectives, étendards d’une nouvelle ère, celle d’un désenchantement que le psychédélisme détournera par son attirail bariolé. En parallèle, l’album Forever Changes de Love (Arthur Lee) a perpétué cette voie en s’éloignant des artifices sonores utilisés dans la plupart des studios.

Les garçons de la plage se sont réfugiés en studio, entourés de musiciens chevronnés (Hal Blaine, Carol Kaye), histoire de peaufiner chaque détail, Brian Wilson semble justement être en proie à une exigence maladive, incorporant toutes sortes d’instruments tels que thérémine, clavecins, guitares slack-key, grelots et kazoo. Secondé par le concepteur sonore Tony Asher, Brian propose aux membres du groupe de retour d’une tournée, une ébauche en monophonie, à la manière de Phil Spector. Ce projet est loin de faire l’unanimité.

The-Beach-Boys-Pet-Sounds versoJustement, à sa parution, le disque n’est pas accueilli à sa juste valeur. Pire encore, il se vend bien en dessous des 500.000 exemplaires des précédents enregistrements du groupe. Même Capitol ne s’investit que très peu dans la promotion du premier single, Good Vibrations. Etonnamment, Sloop John B atteint la troisième place dans les charts au printemps 1966. Le titre est à l’origine une chanson folklorique des Antilles qui a déjà été enregistrée par le Kingston Trio, par Johnny Cash et par Dick Dale. Le passage « I wanna go home » convient parfaitement au besoin de Brian Wilson, celui de s’enfermer et de ne plus sortir de son studio : premiers signes extérieurs de détresse, qui se manifesteront de manière plus explicite avec son concept-album avorté, Smile

Quel est l’impact de cet album, vu de notre présent ? Il faut l’interpréter comme un compagnon de l’existence, dont les thématiques que sont la solitude, le désespoir, tournent toutes autour de l’enfance poussée dans ses retranchements. Si les textes écrits avec Tony Asher ne sont pas vraiment autobiographiques, Caroline, No avait été cependant composé par Brian en solo, bien avant que naisse l’idée de créer cet album. Pour l’anecdote, la virgule dans le titre, est une forme de repoussoir de l’angoisse d’un compositeur qui se projetait dans les royaumes fantaisistes et oniriques d’un petit garçon. Justement, Pet Sounds se conclut par un train solitaire et des bruits d’animaux…

Là bas, il fait encore nuit et le zoo a définitivement fermé ses portes.

FRANCK IRLE

The Beach Boys – Pet Sounds
Label : Capitol
Paru le 16 mai 1966