« Putzi » : le petit bonhomme derrière Adolph Hitler

Adaptation en BD d’un roman du même titre, Putzi offre une perspective nouvelle, et assez troublante, sur le jeune Hitler et son ascension jusqu’à la tête de l’Allemagne. Il n’est malheureusement pas certain que la concision de cette version rende totalement honneur à un sujet aussi riche.

© 2024 Louison/ Snégaroff / Futuropolis

« Putzi » est un surnom qui signifie « petit bonhomme ». Pourtant, celui que ce surnom désigne, dans l’histoire du IIIème Reich était physiquement un géant : Ernst Hanfstaengl a laissé une « petite » trace dans les livres d’Histoire, en tant que « pianiste d’Hitler« , qui aurait fait découvrir au (futur) Führer la musique de Wagner. Pourtant, à en croire Thomas Snégaroff qui a raconté (sous forme romancée) la vie de Hanfstaengl dans son livre intitulé Putzi, l’importance de cet homme largement oublié fut grande : Hitler aurait-il eu la détermination suffisante pour accéder au pouvoir suprême en Allemagne sans l’aide de Putzi ? C’est la question que pose Snégaroff, et à laquelle cette histoire ne répondra certes pas, même si elle nous apporte de nombreux éléments de réflexion.

Putzi couvertureVous l’avez compris, Putzi est une histoire passionnante, que l’on soit féru de la grande Histoire du XXème siècle ou non. Parce que, au delà de la perspective légèrement décalée qu’elle apporte sur ces années troubles qui virent Adolf Hitler devenir le Führer qui précipitera le monde entier dans une catastrophe inédite, les rapports entre Putzi, la femme de ce dernier, le jeune Adolf, peintre frustré qui aurait été amoureux d’elle, sont d’une ambigüité et d’une complexité remarquables. Le fait que Hanfstaengl  grand amoureux des USA, ait aussi œuvré, mais en vain (heureusement), au rapprochement entre Hitler et le gouvernement US, avant de rejoindre lui-même les mouvements fascistes américains, rajoute une perspective troublante, et peu habituelle, sur cette période plus que troublée.

Il faut donc lire le roman de Snégaroff. Faut-il pour autant lire son adaptation au format Bande Dessinée ? C’est moins clair, car, si le dessin de Louison ne manque pas d’originalité, voire même d’impact dans sa manière dépouillée, presque « brutale », de dépeindre une réalité dont on saisit très vite la violence, psychologique d’abord, physique bientôt, le scénario semble souvent bien réducteur par rapport aux faits narrés : en ne prenant jamais le temps d’explorer le détail des situations, ni le ressenti de ces personnages pourtant torturés et difficilement compréhensibles, Putzi nous informe, sans éclairer vraiment les circonstances et le déroulement des faits, et sans nous faire ressentir quoi que ce soit vis à vis de ces êtres que l’on a forcément envie de haïr ou de mépriser.

Réduite à 144 pages illustrées par des cases souvent énormes, occupant jusqu’à une page entière, la vie du pianiste d’Hitler aurait très certainement mérité le double, voire le triple, pour être correctement traitée. Ce qui fait qu’en refermant Putzi, c’est surtout la frustration qui l’emporte. Et l’envie d’ouvrir le roman de Snégaroff.

Eric Debarnot

Putzi
Scénario : Thomas Snégaroff (d’après son roman)
Dessin : Louison
Editeur : Futuropolis
144 pages – 22 €
Date de publication : 5 juin 2024

Putzi – extrait :

Putzi Extrait
© 2024 Louison/ Snégaroff / Futuropolis