Gros succès sériel de 2024, cette version de Shōgun a au moins le mérite de ne pas être honteuse… et de permettre de retrouver quelques acteurs/actrices de talent du Soleil Levant.
Avant cette version sérielle 2024, Shōgun fut d’abord un roman de James Clavell. Cet écrivain britannique d’origine australienne fut révélé comme co-scénariste du film à succès La Grande Evasion. Débutant en 1600, le roman narre l’ascension d’un daimyo – gouverneur de province – basé sur le vrai Ieyasu Tokugawa. Le tout à travers les yeux de John Blackthorne, marin anglais inspiré de William Adams. Clavell supervisa l’adaptation télévisée de 1980 avec Richard Chamberlain et Toshirō Mifune. Une comédie musicale à Broadway et plusieurs jeux d’ordinateur firent aussi partie de l’exploitation commerciale.
En 2018, FX annonce une nouvelle adaptation du roman. Pour répondre aux reproches faits par les Japonais à la série d’origine, le couple des concepteurs promet d’étoffer les personnages nippons. Depuis, la série a été un succès et deux nouvelles saisons sont planifiées. Les efforts d’écriture n’ont pas empêché à nouveau un reproche de série centrée sur les Occidentaux. Parce que oui, la série reprend (coucou, le western !) le très hollywoodien motif du White Man transformant une culture étrangère en partie au travers d’une liaison amoureuse. Sauf qu’après tout, le cliché entretient un petit cousinage avec une vérité historique dans laquelle l’influence occidentale a transformé le Japon féodal (l’introduction des armes à feu documentée dans Kagemusha). De plus, l’accueil nippon de cette version fut très positif.
Mettons que la série vaut d’abord comme un bon jidaigeki – drame japonais en costumes – artisanal. Des intrigues de palais qui se perdent parfois avant de retomber sur leurs pieds, une description détaillée des rivalités politiques de l’époque, une photographie travaillée, une mise en scène pas géniale mais sans esbroufe. Et le casting japonais, qui est un vrai régal pour le connaisseur de ce cinéma-là. En Yoshii Toranaga – le seigneur inspiré de Ieyasu Tokugawa -, Hiroyuki Sanada, acteur dont les apparitions occidentales (Speed Racer, le dernier John Wick) ont fait oublier qu’il fut aussi acteur pour Fukasaku (Le Samouraï et le Shogun) et Nakata (Ring). En Ochiba No Kata, Fumi Nikaido, vue au Japon dans des univers plus déjantés (Miike).
Mais surtout Tadanobu Asano en Kashigi Yabushige, seigneur comploteur au service de Toranaga. Un acteur surtout connu en Occident pour ses signatures prestigieuses (Oshima, Kore-eda, Scorsese…). Mais qui fut dans les années 1990 au Japon un acteur-star à valeur ajoutée avec sa rock’n’roll attitude, proche de ce qu’incarnait à la même époque Johnny Depp à Hollywood. Asano qui offre ici un joli pastiche du cabotinage de Mifune chez Akira Kurosawa. Hélas, on ne saurait dire autant de bien de Cosmo Jarvis, qui ne dispose ni du talent de comédien ni du charisme pour interpréter Blackthorne.
Ce Shōgun 2024 n’est ni une honte ni un chef d’œuvre sériel. Pas de quoi casser trois pattes aux classiques du jidaigeki mais un travail solide. La suite est attendue… sans crainte ni excitation.
Ordell Robbie