Donald Glover renfile une dernière fois le costume de Childish Gambino pour un feu d’artifice où il s’affranchit de toute barrière. Pour le meilleur… et parfois pour le pire. Parfait résumé de cette phase musicale d’un touche-à-tout au talent hors du commun.
Cette fois c’est la der’ c’est sûr. Le rappeur/acteur/producteur/chanteur génial Donald Glover raccroche les gants de son alter ego Childish Gambino et clôt ainsi un chapitre haut en couleur qui l’aura vu parcourir des terrains musicaux variés, parfois aventureux, parfois grandement inspirés (le funk 70’s de l’immense Awaken My Love!), sans jamais ne se fermer aucune porte.
Bando Stone & the New World, titre de ce final mais également du long-métrage à venir dont il est le réalisateur, est un condensé de cette facette impétueuse, ambitieuse et casse-gueule de tout s’autoriser, de ne pas avoir peur du vide voire du ridicule.
Car allons directement au but: tout n’est pas réussi et on flirte même régulièrement avec la pop cheesy – Real Love… aie – lorsque Childish roule un peu trop sur la rampe teenage rock. Des titres faciles, parfois lourdingues seulement rattrapés par l’attitude cool de son auteur, réussissant à faire passer la pilule par une pirouette de facéties. Il est tellement relax, jamais loin de l’ironie et du second degré qu’on finit par passer au-dessus, par voir la vision globale de ce feu d’artifice.
L’album est d’un éclectisme musical éclatant, passant des incursions rock donc (Running Around) à des titres rap expérimentaux (Yoshinoya), du R&B alternatif, des éléments électro (Got to Be), tropicaux (In the Night) et c’est sur ce prisme-ci qu’il faut se concentrer. D’accord tout n’est pas parfait, mais qui peut se targuer d’aller aussi loin et d’avoir un spectre aussi large chez les gros bras ? Quel artiste mainstream fait des propositions plus arty que lui ?
Une fois de plus épaulé dans sa quête d’exotisme par son compère de toujours Ludwig Goransson, peu de choses à redire sur la qualité impeccable des productions, surtout sur des domaines aussi éloignés les uns des autres. D’autres pontes tels que Dahi, Steve Lacy et même un interlude de Khruangbin viennent apporter leur pierre à un édifice en forme de montagnes russes où l’on passe par à peu près toutes les émotions, positives et négatives.
Parmi les sommets de l’opus, notons une seconde partie de disque plus consistante où s’enchainent de bonnes voire très bonnes idées. Tout part du fleuve Can You Feel Me aux allures bossa-jazzy et s’accélère avec la magnifique doublette Cruisin’ – We Are God. De parfaits résumés de ce qu’est capable de proposer le créateur de l’excellente série Atlanta lorsqu’il devient plus sérieux.
Et comme monsieur est très taquin, le voilà qu’il prouve qu’il peut décoller le chewing-gum teenage de ses aspirations rock et aller sur des terrains indie bien plus intéressant et en phase avec son talent sur Dadvocate, petite bombe aux allures de tube estival sans avoir l’air d’y toucher.
Bordélique et rythmé sur la forme, tour à tour facile, génial, gênant, beau sur le fond, Glover part sur un melting-pot de saveurs dont seul lui a le secret. Une belle manière de dire au revoir à Childish Gambino tout en continuant de suivre la carrière fascinante d’un artiste dans le sens le plus noble du terme.
Alexandre De Freitas