Second album majeur pour les chouchous de l’indie pop néerlandaise : plus ambitieux, plus complexe, mais toujours aussi bienveillant, Still Willing confirme l’importance de Personal Trainer sur la scène mondiale actuelle.
En France, on connaît surtout Personal Trainer, qui sont, mine de rien, l’un des groupes les plus en vue de la nouvelle scène néerlandaise, pour leurs prestations scéniques excitantes, conjuguant maîtrise pop, créativité débridée et bonne humeur générale. En février dernier, au Point Ephémère, ils ont clairement volé la vedette à Pip Blom, pour qui ils ouvraient, mais on avait déjà pu deviner lorsqu’ils nous ont présenté en avant-première des titres de ce nouvel album, Still Willing, que le groupe allait vers une plus grande complexité formelle, sans pour autant négliger les pics de folie qu’on appréciait chez eux.
Ce qui fait que les sept minutes quarante-quatre secondes de Upper Ferntree Gully qui ouvrent Still Willing ne constituent plus la même surprise : on n’est pas si loin ici des aventures baroques d’un King Gizzard, sur ce long morceau presque planant, frôlant la pop la plus ambitieuse, qui finit par exploser littéralement avec des accents heavy metal ! Eh oui. Perturbant ? Non, pas vraiment, car règne ici une sorte de bienveillance légère qui nous fait nous sentir « chez nous » dans cette musique labyrinthe (C’est marrant, d’ailleurs, on n’est pas si loin des sensations offertes par le dernier Crack Cloud !).
De toute manière, les trois minutes de pur bonheur pop offertes ensuite par le délicieux I Can Be Your Personal Trainer confirment que Willem Smit et sa bande ne nous veuillent que du bien. Cyan continue dans le même registre, celui de l’introspection et de la suavité mélodique, avec saxo léger et festif, rythmique bondissante et vocaux proliférants sans crainte. Round nous ramène sur le territoire plus connu, celui de l’album précédent, celui de l’indie pop avec guitares bruyantes et refrains irrésistibles. New Bad Feeling clôt la première face sur un panorama contrasté, bousculant une chanson tendre et sensible à l’aide de pics exubérants et de ruptures de rythme inattendues : c’est une parfaite illustration de ce que Willem Smit et son orchestre à géométrie variable recherchent désormais, un jeu sur les textures, les atmosphères et les rythmes qui maintient l’auditeur dans état permanent de surprise.
Intangible pourra évoquer, si l’on prête l’oreille, les jeux auquel se livrait un Pavement dans ses moments les plus ludiques, et se risque finalement à intégrer des accents funky séduisants. Testing the Alarm témoigne à nouveau d’une ambition formelle impressionnante : quelqu’un a cité Deerhunter à propos de Personal Trainer, cela n’est pas absurde, car les émotions sont autant ici à fleur de peau, tout en restant imprévisibles,… même si l’accent est plus mis sur les mélodies attrayantes… jusqu’à un crescendo final frôlant l’hystérie. Sans doute le meilleur titre du disque, et la preuve que Personal Trainer atteignent désormais un niveau inespéré. Still Willing retourne vers l’introspection et la demi-teinte, avec ce chant froissé de Willem dont on apprécie de plus en plus la fragilité.
You Better Start Scrubbing est l’un des sommets actuels des prestations live du groupe, capable de déclencher de beaux moments de frénésie, avec son riff de basse et ses explosions d’intensité. Un titre irrésistible pour noter, alors que l’album touche à sa fin, que Personal Trainer n’oublient pas complètement leurs origines punks. What Am I Supposed To Say About The People And Their Ways referme Still Willing comme il s’était ouvert, avec une intro en forme de « prog rock de poche », suivie d’une jolie mélodie pop rêveuse, avant que l’étrangeté ne s’invite avec dissonances et riffs hardcore inattendus.
Bref, la richesse et la diversité des sensations musicales offertes, ainsi que la qualité des mélodies qui surnagent et s’imposent dans une atmosphère tantôt expérimentale, tantôt rêveuse, font de Still Willing un plaisir aussi sophistiqué que, paradoxalement, « naturel ». Et montrent que Personal Trainer n’ont pas fini de nous surprendre.
Eric Debarnot