Réputée pour être paisible, la Norvège n’est pourtant pas à l’abri de la barbarie terroriste. A travers les yeux d’une adolescente, Nora Dåsnes revient en mode intimiste sur la tragédie d’Utøya qui a traumatisé tout un pays.
Oslo, 2011. Quelques semaines après les attentats qui ont frappé la Norvège et l’île d’Utøya, Rebekka est toujours sous le choc. La jeune fille tente de comprendre mais les infos sensationnalistes diffusées à la télévision ne la satisfont pas. Mais comment expliquer l’inexplicable ? Partagé entre l’émoi des premières amours et le besoin de se rassurer, Rebekka cherche des réponses…
Treize ans déjà ont passé depuis les tragiques attentats en Norvège. Avec Appels en absence, Nora Dåsnes, jeune autrice norvégienne, s’efforce de raconter, par le biais du personnage de Rebekka, les événements tels qu’elle les a vécus. Le récit nous met donc dans les pas de cette adolescente qui s’apprête à retourner au lycée, alors que le souvenir des attentats, survenus au cours de l’été, est encore vif. Rebekka était à Oslo à ce moment-là, mais les images de la fusillade repassent en boucle dans sa tête, inlassablement, donnant lieu chez elle à mille tourments, mille questionnements. Pourquoi dans un pays habituellement si tranquille, la violence a-t-elle fait irruption de manière si brutale ? Quelles étaient les motivations du tueur ?
Pourtant, la vie continue, et la rentrée a eu lieu, même si on sait que des chaises resteront vides. Heureusement, Rebekka retrouve sa meilleure copine de lycée, Fariba, à qui elle pourra faire part de ses tourments. Celle-ci, en tant que musulmane adepte du voile, aurait pu avoir quelques raisons de s’inquiéter. En effet, elle dut affronter, juste après l’attentat, les remarques agressives de quelques passants, alors qu’on n’en connaissait pas encore l’auteur. Pourtant, Fariba, qui vient de s’inscrire au parti des jeunes travailleurs (lequel était visé par le terroriste), s’avérera la plus optimiste en épaulant Rebekka dans ses moments de doute.
Il est vrai que pour cette dernière, ce n’est guère chez elle qu’elle trouvera du réconfort. Sa mère, de par son travail dans la police, est souvent absente. Son frère Joakim, scotché toute la journée devant son jeu vidéo, semble indifférent au monde qui l’entoure, ce qui plonge Rebekka dans un complet désarroi. Comment exprimer ce qu’elle ressent dans un tel contexte ? Le spectacle annuel prévu prochainement dans son lycée pourra-t-elle lui en fournir l’occasion ? Bien sûr, il y a ce nouveau camarade de lycée, Daniel, un garçon intelligent, qui lui fait la cour et dont le charme ne la laisse pas insensible. Mais Rebekka, très à fleur de peau en raison des récents événements, a du mal à se montrer totalement disponible. En attendant, c’est devant son ordinateur qu’elle tente de fixer ses interrogations concernant l’attentat.
Appels en absence, voilà un titre qui résume bien les états d’âme de la jeune fille. Nora Dåsnes nous livre un récit intime et sensible, empreint de sincérité, sans esbroufe et sans voyeurisme. Le message délivré, empreint d’humanité, s’avère en conclusion généreux et positif. L’autrice n’évite pas complètement les bons sentiments, et le livre pourrait paraître quelque peu naïf à certains égards, mais le propos correspond assez bien à ce qui peut se passer dans la tête d’une jeune personne de seize ans confrontée à un tel événement. A ce titre, il touchera certainement davantage un public de « young adult », mais pourrait laisser les plus âgés sur leur faim. Le bémol aurait plutôt trait au dessin, qui pêche par son côté amateur. Très minimaliste, il évoque davantage les esquisses maladroites (voire bâclées) d’un dessinateur en herbe, même s’il faut bien l’admettre, on sent une plus grande maîtrise sur le cadrage et la mise en page. Si l’on fait abstraction de la partie graphique, on pourra donc tout de même répondre présent à ces appels du cœur.
Laurent Proudhon