Cela faisait sept ans qu’on n’avait pas eu de nouvelles de nos chères Raveonettes, et voilà qu’elles nous reviennent… avec un album de reprises ! The Raveonettes sing… est tout sauf surprenant, mais néanmoins très agréable, au moins pour nous faire patienter jusqu’à un « vrai » nouvel album !
Voilà 7 ans déjà qu’on n’avait pas de nouvelles discographiques de Sharin Foo et Sune Rose Wagner, deux deux Copenhagois préférés, au moins dans le domaine de la musique bruyante. Pour le moment, nous n’avons pas d’explication particulière quant à cette mise en sommeil de The Raveonettes, qui publiaient jusque là un album tous les 2 ans, environ. Mais il y a une chose que la sortie « surprise » de ce The Raveonettes sing…, « simple » album de reprises, élimine comme hypothèse, c’est bien celle d’un changement de cap musical du duo !
On sait très bien que depuis le début, et leur formidable premier EP, Whip It On, en 2002, The Raveonettes ont deux amours, la pop spectorienne des années 60 et le rock noisy, tendance The Jesus & Mary Chain. Un coup d’oeil à la liste des 10 titres, tous des classiques, repris par Sune Rose et Sharin, confirme la permanence de leurs goûts et de leurs références : Phil Spector, Duane Eddy, The Everly Brothers, The Shirelles, The Shangri-Las, etc. et le Velvet Underground pour l’héritage bruitiste. A la limite, on peut être étonné de la présence de l’énorme « classique » qu’est le Return of the Grievous Angel de Graham Parsons, mais on y reviendra.
L’ouverture de l’album, avec I Love How You Love Me (The Paris Sisters, mais surtout la première production de Phil Spector !), pas renversante, est une sorte de trompe l’œil, mais le titre suivant, le fabuleux Goo Goo Muck de Ronnie Cook (dont la reprise par les Cramps a marqué l’histoire), nous ramène complètement en terrain connu : vocaux éthérés, mélodie sublimées, guitares bruyantes chargées d’un maximum d’effets… la noisy pop / dream pop tendance shoegaze des Raveonettes reste identique à ce qu’on a toujours connu… et aimé. The Girl on Death Row (Duane Eddy) bénéficie du chant de Sune Rose, qui apporte évidemment une « patte » différente, et également très éloignée de l’original de Lee Hazelwood. All I Have to Do is Dream est – tout le monde le sait – une magnifique berceuse et fut un énorme succès mondial à sa sortie en 1958 : magnifiquement chantée, elle fonctionne parfaitement sur une batterie « à la Moe Tucker »… mais reste à notre avis inférieure à la version « lynchienne » de Roy Orbison. Will You Love Me Tomorrow, premier numéro 1 aux USA d’un groupe féminin afro-américain, est probablement le titre le plus repris déjà de tout l’album (on nous souffle que même Taylor Swift en a livré une version, ce que nous ne saurions garantir) : à nouveau chanté par Sune Rose, ce qui est plutôt malin par rapport à l’original, le titre bénéficie d’une rythmique curieuse, comme le battement accéléré d’un cœur.
Venus in Furs est magnifique – il est difficile de ne pas l’adorer dès la première écoute -, mais on peut ensuite prendre un peu de recul et le trouver vraiment trop évident, trop facile, trop respectueux aussi du « style Velvet« . Wishing est un titre quasi inconnu, a priori signé Buddy Holly, mais on est bien en peine de reconnaître le style de son auteur dans cette version punk-surf sans doute un peu trop sage. Return of the Grievous Angel est le morceau le plus surprenant, on l’a dit, et fait un grand écart réussi entre ses origines country et l’univers de The Raveonettes : une réussite indiscutable, qui fait rêver à ce que pourrait être un album de reprises moins « évidentes » que celles de The Raveonettes sing… A l’opposé, Shakin All Over est d’une logique imparable, et délivre un plaisir intense, même si une fois encore, le duo copenhagois ne prend ici absolument aucun risque. Sur Leader of the Packs des Shangri-Las, The Raveonettes tentent par contre de conférer une touche nettement plus audacieuse (entendez plus noisy) à ce classique, en le ralentissant et noyant sa « popitude » charmante dans une atmosphère tendue et angoissante : pas certain que ça fonctionne aussi bien que souhaité, et l’album se referme donc malheureusement sur l’un de ses titres les plus faibles.
Le bilan est donc mitigé : d’un côté le plaisir et la satisfaction de retrouver un groupe qui nous avait manqué, toujours en pleine possession de ses moyens avec cet album extrêmement plaisant ; d’un autre, le sentiment qu’il ne s’agit là que d’une production « standard », sans réelle prise de risque, sans doute destinée à faire patienter les fans encore un peu en attendant un vrai retour de The Raveonettes. On en accepte l’augure.
Eric Debarnot