Enorme claque hier soir au Supersonic, avec les magnifiques forcenés d’Avalanche Party, qui ont transformé une nuit du 15 août indolente en brasier. Un futur grand groupe, sans hésitation. Non, déjà un grand groupe !
Aller en concert un soir de 15 août à Paris, d’abord pour soigner une sérieuse crise de manque après deux semaines désertiques, mais également pour découvrir une « petite merveille » dont on nous dit grand bien (Avalanche Party), c’est prendre le risque de se trouver dans une salle presque vide, dix minutes avant le début de la première partie… Une chose exceptionnelle au Supersonic… Espérons que le public montrera le bout de son nez pour que la soirée ne soit pas trop triste !
20h15 : On débute avec un peu de retard sur l’horaire (à moins que ce ne soit en fait de l’avance par rapport au second horaire communiqué sur les réseaux sociaux !), mais au moins le public familier du groupe parisien, The Paulines, a eu le temps d’arriver et mettra une chaude ambiance pendant le set de 45 minutes. En dépit de la « com » sur le groupe parlant de « punk » et de « post-punk » (bâillements !) et du look millésimé 77 (sans les épingles à nourrice quand même) de la bassiste/ chanteuse / compositrice, The Paulines valent mieux que ces clichés, et proposent une musique moins calibrée, peut-être plus « early seventies » du fait d’un guitariste soliste au look adéquat mais surtout extrêmement volubile avec son instrument. Les chansons sont plutôt bonnes, mais le groupe souffre encore d’un manque de puissance, ainsi que de vocaux approximatifs, parfois. On est néanmoins heureux de les entendre reprendre le fabuleux Blank Generation de Richard Hell, merveille assez oubliée et preuve de bon goût. Meilleurs titres joués au cours du set : Going to the Mall et Pauline. On gardera un œil sur eux.
21h15 : La soirée se poursuit avec Porcelaine (ce qui veut dire que le public dans la fosse s’est renouvelé et comporte maintenant de nombreux fans du groupe)… Voilà un trio au style inhabituel, ce qui est évidemment un plus : on bénéficie d’un chant en français (toujours un avantage, de notre point de vue !), plutôt dans un registre fragile / émotionnel, mais posé sur une musique très brutale : un mélange chaud-froid peu commun, et forcément intrigant. Qui plus est, le jeu de scène du groupe est très dynamique – voire excessif de la part du bassiste qui cabotine occasionnellement (bon, frotter son manche de basse avec une chaîne, on ne voit pas trop l’intérêt). Le batteur est également très impressionnant. Il est dommage qu’à la longue, un léger sentiment d’uniformité s’installe, avec des titres qui ne sont pas assez convaincants à la première écoute. Fait rare au Supersonic, un rappel est demandé par le public conquis, et nous avons droit à une reprise musclée du Banana Split de Lio. 45 minutes sympathiques, en tout cas, parfaites pour headbanguer. La question, évidente à la fin : s’agit-il de casser la vaisselle en porcelaine ou au contraire de la faire briller ?
22h20 : Avalanche Party, groupe au style également indéfinissable (le terme de punk est réducteur dans leur cas), viennent d’un coin bien reculé du nord de l’Angleterre, les North York Moors, une région du Yorkshire. On ne sait pas si c’est ça qui les a autant énervés, d’habiter dans un endroit aussi calme (bien que très beau…), mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne font pas dans la douceur et la sérénité : trois guitares stridentes, une section rythmique imparable, un chanteur-prêcheur emporté (surtout après s’être lavé les cheveux à la bière). Dès l’intro surpuissante et déchaînée sur Dream Johnny Dream, l’un de leurs singles, Jordan Bell, le chanteur, est au contact avec le public, comme un Nick Cave fou furieux de l’époque Birthday Party. L’enchaînement sur un autre single déjà sorti, Serious Dance Music, est imparable, on est déjà au maximum d’intensité, et on sait que c’est gagné, on va passer une soirée « parfaite » !
Et cette bande hétéroclite de fous furieux, qui ont pourtant une véritable élégance derrière leurs manières de tueurs, vont nous offrir trois quarts d’heure avec tous les cadrans dans le rouge, mais surtout avec une intensité qui ne va jamais retomber. Cette musique est sombre, torturée, mais jouée avec un enthousiasme – voire une sorte d’allégresse ! – totalement communicative. Après un déballage de titres frénétiques (No Neutral, mémorable !), mais également complexes et suffisamment variés stylistiquement pour qu’on ne s’ennuie pas un instant, le set culmine avec l’avant-dernier morceau, Ecstasy, qui est une pure merveille. Avant une dernière décharge punk hystérique pour conclure la soirée.
Attention ! On a vu ce soir sur la scène du Supersonic (et en dépit d’une voix, comme souvent là-bas, sous-mixée) un groupe littéralement exceptionnel. Leur premier album, 24 Carat Diamond Trephine date de 2019, le Covid ayant interrompu leur carrière au mauvais moment. Mais ils sortiront leur second disque, enregistré au Rancho de la Luna, en novembre, dont étaient extraite une grande partie de la setlist de ce soir.
Surveillez bien les annonces d’une tournée qui devrait passer par la France : il ne faudra manquer ça sous aucun prétexte !
Texte et photos : Eric Debarnot