« En attendant le déluge » de Dolorès Redondo : un thriller nordique espagnol

« La reine du polar espagnol » est de retour avec une histoire de tueur en série qui commence à Glasgow et se poursuit du côté de Bilbao. Un roman ambitieux, divertissant mais qui ne convainc pas totalement.

Dolores Redondo
© Xavier Torres-Bacchetta

Faut-il encore présenter Dolorès Redondo, celle que l’on surnomme désormais « la reine du polar espagnol » ? Découverte avec sa Trilogie du Baztàn, rapidement adaptée à l’écran pour Netflix, la romancière s’est imposée comme l’une des plumes les plus populaires du thriller contemporain. Ce succès, elle le doit à des histoires souvent morbides, solidement ancrées dans les régions septentrionales de l’Espagne et imprégnées de mythologiques et de superstitions qui ajoutent une atmosphère quasi fantastique à des récits à l’indéniable efficacité.

couverture-En-attendant-le-delugeEn ce mois d’août 2024, elle est de retour à la Série Noire avec un gros thriller ambitieux inspiré de deux faits réels pourtant sans rapport l’un avec l’autre. A la fin des années 60, un tueur en série tua trois jeunes filles rencontrées dans une discothèque de Glasgow. Surnommé Bible John par la presse écossaise, il ne fut jamais arrêté et nombreux sont ceux qui pensent que Bible John a continué à tuer pendant de longues années

Une petite quinzaine d’années plus tard, en 1983, le nord de l’Espagne subit des pluies diluviennes qui inondèrent une partie de la région de Bilbao. Adolescente, Dolorès Redondo fut témoin de cette catastrophe qui coûta la vie à 41 personnes.

Dans En attendant le déluge, Dolorès Redondo relie ces deux événements en racontant l’enquête d’un policier écossais tout droit sorti de son imagination. Noah Scott Sherrington est obsédé par les meurtres de Bible John, qu’il a réussi à identifier quinze ans après ses premiers meurtres. Mais, alors qu’il s’apprête à l’arrêter, Noah est terrassé par une crise cardiaque. Les médecins parviennent à le réanimer mais ils sont formels : Noah souffre d’une cardiomyopathie dilatée incurable et il n’a plus que quelques mois à vivre… Affaibli, désespéré, Noah se lance alors sur les traces de Bible John et remonte sa piste jusqu’à Bilbao…

Dolorès Redondo a donc charpenté toute l’intrigue de son roman autour de ces trois très bonnes idées : s’inspirer d’un fait divers jamais résolu (à la manière d’Ellroy ou de David Peace), le relier une catastrophe climatique au symbolisme biblique évident et mettre en scène un policier affaibli par la maladie et terrifié par sa mort imminente.

Malheureusement, les bonnes idées ne font nécessairement les bons romans et celui de Dolorès Redondo, qui reste un efficace divertissement, est alourdi par plusieurs défauts qui affaiblissent l’ensemble. Ainsi, aucune des trois idées n’est pleinement exploitée, ou alors maladroitement. La traque du tueur en série, bien peu originale, peine à passionner tandis que les autres thèmes sont parasités par un trop grand nombre de sous-intrigues (l’amitié entre Noah et un jeune handicapé, une romance à laquelle on ne croit jamais vraiment, etc.). Si on ne peut nier l’ambition du roman, et la volonté de la romancière d’embrasser un maximum de sujets, on n’est jamais convaincu par sa façon de les traiter.  Et si certains passages retiennent l’attention (comme par exemple la description de Bilbao au début du roman), certains dialogues sonnent faux et leur tonalité trop didactique empèse certaines scènes et empêche même de donner vie aux relations entre les personnages.

En attendant le déluge, malgré les bonnes intentions affichées par Dolorès Redondo, déçoit donc quelque peu par son incapacité à tenir les promesses initiales. Pour autant, il remplit tout de même (en partie) son office en offrant quelques heures d’un honnête divertissement.

Grégory Seyer

En attendant le déluge
Un roman de Dolorès Redondo
Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editeur : Gallimard, Série Noire
560 pages – 21 €
Parution : 15 août 2024