L’album de Danicollaterale mêle une prouesse graphique, un roman d’initiation, un projet architectural et, en mineure, une réflexion sur le travail et la recherche personnelle.
Enzo Forte, un jeune diplômé en architecture italien, s’installe à Paris dans l’espoir de décrocher un premier stage. Après avoir (difficilement) trouvé un appartement grâce à un tiramisu, il a la surprise d’être engagé par la plus célèbre des agences parisiennes. Mieux, il rejoint l’équipe rassemblée pour répondre à l’appel d’offre d’un prestigieux musée chinois. La crème de la crème. Son intégration est rapide, le voilà chargé des maquettes. Les délais sont courts et alors que le grand patron change une nouvelles fois ses plans, l’urgence s’impose, voici venu le temps de « la charrette ». Oubliez toute idée de vie privée, l’équipe est mobilisée, jour et nuit, pour livrer sa réponse dans les temps.
Le livre est lourd et beau, l’impression soignée et la couverture intrigante. Mais, après la lecture des premières pages, le pitch parait léger. Par quel miracle l’auteur a-t-il pu en tirer plus de 200 pages ? Est-ce bien raisonnable ?
L’atout principal de cet album et visuel. Danicollaterale travaille ses planches avec audace et talent. Tel un architecte, il multiplie les angles et les techniques. Il associe un trait réaliste et des aplats de couleurs froides à des formes géométriques, des doubles pages, des incrustations de cases, un jeu reprenant les « histoires dont vous êtes le héros » ou des, plus classiques dans ce contexte, plans d’architecture. Il tente, avec plus ou loin de succès, de représenter la tension croissante et la pression du temps qui file inexorablement. `
Le scénario est simple, linéaire et descriptif. Danicollaterale est lui-même architecte et tire la matière de son premier album de ses expériences professionnelles passées. Petite réserve, les personnages sont monolithiques, avec un mystérieux fondateur au génie nébuleux et un second tyrannique et malsain, le fayot de service et les pistonnés, d’étranges informaticiens et, heureusement, les deux copains, qui, dans l’adversité, se muent en amis et transforment ce qui pourrait pu être un chemin de croix en une expérience inoubliable. L’amitié peut tout.
Stéphane de Boysson
Je suis charrette – Vie d’architecte
Dessins et scénario : Danicollaterale
Éditeur : Delcourt
29,95 € – 208 pages
Parution : 10 avril 2024
Je suis charrette – Vie d’architecte — Extrait :
