Trois ans après Golden Doubt, petit chef-d’œuvre de jangle-pop, les Australiens sont de retour avec Oyster Cuts, un album très réussi qui montre que le groupe a su grandir.
En anglais, “quiver” signifie “carquois”, ce qui convient plutôt bien au groupe australien dont il est question ici : Quivers a en effet plusieurs cordes à son arc et, avec leur nouvel album Oyster Cuts, le groupe prouve une nouvelle fois qu’il est capable de décocher des flèches et de viser juste à chaque fois. Mais pour un surfeur, le “quiver”, c’est surtout l’ensemble des planches dont il dispose, ce qui lui permet de choisir celle qui sera la mieux adaptée à la taille et à la puissance de la houle. On retrouve donc cette idée de diversité qui sied parfaitement à la musique de Quivers. En 2021, on était tombé immédiatement amoureux des dix chansons de Golden Doubt, véritable concentré de jangle-pop : des guitares héritées des Byrds, des mélodies lumineuses, des balades à tomber, des voix féminines et masculines qui alternent au chant ou qui s’entremêlent avec harmonie. Bref un petit joyau qui avait placé la barre très haut.
Mais dès les premières notes, Never Be Lonely rassure : le morceau qui ouvre Oyster Cuts est d’une redoutable efficacité et nous donne immédiatement l’impression d’être sur une plage australienne ou californienne : la mélodie se déploie avec la majesté et la grâce de ces vagues que les surfeurs chérissent par dessus tout. Et quand s’achèvent les quatre petites minutes de ce premier morceau, on s’aperçoit que l’on s’est mis à taper du pied, et que l’on sourit béatement. La musique de Quivers fait tellement de bien qu’elle devrait être prescrite à tous ceux qui ont des bleus à l’âme. Les trois morceaux qui suivent (l’excellent single Pink Smoke, More Lost et Apparition) confirment les vertus thérapeutiques de cette pop ensoleillée et lumineuse.
Pour autant, la deuxième partie du disque va surprendre : les pop-songs y sont plus posées, plus graves même, et l’on y perçoit des aspérités qui peuvent évoquer Yo La Tengo. Grief Has Feathers, première balade du disque, marque ainsi un peu le pas mais reste très largement au-dessus du tout venant. Avec le morceau-titre Oyster Cuts et son mid-tempo un peu rétro, puis Screensaver et ses guitares légèrement dissonantes, l’impression se confirme : la musique de Quivers a mûri et gagné en profondeur. Les paroles se teintent elles aussi de nuances plus grises : les déceptions, les doutes et les regrets s’expriment désormais, comme si le groupe était devenu adulte. Les amours malheureuses étaient déjà au cœur de Golden Doubt (comment oublier l’extraordinaire You’re not always on my mind ?) mais sur le précédent album, on percevait encore une sorte de fougue adolescente qui s’effiloche ici. L’album se conclut d’ailleurs avec la très belle Reckless, sur laquelle Quivers sonne presque comme Wilco : à la fin du morceau, les guitares déraillent et c’est ainsi que l’album s’achève.
Oyster Cuts ne séduit donc pas aussi rapidement que Golden Doubt mais les écoutes successives permettent de percevoir les richesses d’un disque long en bouche et dont on n’est pas prêt de se lasser. Surtout, Oyster Cuts augure du meilleur pour la suite des aventures discographiques de Quivers : en gagnant en maturité et en profondeur, sa musique se rapproche de Yo La Tengo ou Wilco, ces hérauts d’un rock indépendant honnête et aventureux. Vivement la suite !
Grégory Seyer