Deux marins pêcheurs, le père et le fils, dans une histoire de mer puissante, violente, où la furie des flots fait écho à la violence des rapports de filiation. Un roman noir servi par une prose écumante et un vocabulaire bouillonnant.
Patrick K. Dewdney est un auteur britannique de poésie et de fantasy. Il vit en Limousin et écrit en français. Après Crocs, Écume est son second « roman noir » paru initialement en 2017 et réédité en 2019. Ce livre fut couronné du prix Virilo en 2017 (un prix qui voulait parodier le Femina).
Il nous fait le récit du quotidien de deux pêcheurs bretons aux prises avec la furie des flots. Le Père et le Fils (ils n’auront pas d’autres noms). La Mère est morte.
Le Père s’est enfermé dans son mutisme et ne reprend vie qu’à la barre de son bateau face à la démence des tempêtes. Le Fils supporte mal et son sort et l’emprise de ce père à demi fou.
Mais la pêche ne nourrit plus son marin et tous deux survivent en transportant quelques migrants clandestins en Angleterre.
Comment font ces deux hommes (le fils est dans la trentaine) pour supporter leur dure condition de marins pêcheurs et pour se supporter l’un l’autre ?
Pour affronter sans cesse la violence assourdissante de la mer comme la fureur silencieuse de leurs rapports ? Comment fait le fils pour endurer le vacarme de la pêche comme le mutisme buté de son père ?
Lorsque le lecteur embarque à bord de ce roman de mer puissant, cette dure histoire de marins, c’est d’abord le choc de la houle marine.
Et puis très vite celui de la prose elle-même qui déferle écumante, le vocabulaire bouillonnant qui submerge le lecteur, phrase après phrase, vague après vague.
Un texte étonnant, particulièrement riche, qui enchantera les passionnés de la langue écrite mais qui pourra aussi ne pas plaire à tout le monde.
Après la violence de la mer et de la prose, viendra celle des rapports entre ces deux hommes. Un père quasi dément qui, tel un nouvel Achab, ne vit que dans les risques insensés pris face à la tempête, un fils qui ronge son frein, remonte inlassablement les lignes et les hameçons, attend le point de non retour, mais tout de même qui suit, quoiqu’il advienne.
Et puis enfin surviendra le drame, promesse de tout bon roman noir. Pas celui que le lecteur attendait mais un enchaînement encore bien plus épouvantable. Face à l’impitoyable dureté du monde, une noirceur terrible baigne ce roman, une noirceur sans fond comme les flots insondables, une noirceur poisseuse comme l’humidité de la timonerie.
Mais le lecteur est désormais accroché à l’hameçon et ne pourra plus refermer le bouquin jusqu’au final, remarquable.
Ouf, quel voyage !
Bruno Ménétrier