Réconcilié avec Lana Del Rey par la grâce de ses récents tours de force discographiques, notre rédacteur a tenté le coup du concert gigantesque à Rock en Seine, hier soir. Il partage ici ses impressions…
Avant d’aborder ce concert évènement, je vais me permettre d’évoquer très vite mon rapport particulier à Lana Del Rey. Le double électrochoc Video Games / Blue Jeans. Deux morceaux évoquant ces starlettes dont l’apparence glamour cache des secrets douloureux vues dans le cinéma de Lynch. Un cinéma dont Lana Del Rey semblait d’ailleurs surgir (Ce soir, le côté très Wicked Game de Hope Is a Dangerous Thing for a Woman like Me to Have confirmera d’ailleurs cette affinité avec l’univers du réalisateur de Mulholland Drive). Mais l’album Born to Die s’avéra ensuite pour moi une vraie déception, du fait de ses accointances avec le R’n’B commercial. Ce manque d’intérêt pour Lana dura jusqu’à récemment, jusqu’aux derniers albums plus dépouillés, qui me réconcilièrent avec la chanteuse. L’an dernier, j’aurais bien essayé d’acheter une place pour l’Olympia, mais je savais d’avance que la salle était trop petite pour l’immense demande. Ce serait donc Rock en Seine…
Concert logiquement plein à craquer, devant un public plus que conséquent, à l’hystérie compréhensible au vu du nombre de recalés de l’Olympia vivant ce soir leur séance de rattrapage. Avec la crainte de voir la montagne accoucher d’une souris comme ce fut parfois le cas pour de récents concerts très attendus du festival (Arctic Monkeys, The Strokes). Et au finish, ce ne fut un ni flop, ni un très grand concert.
La force principale de ce concert de Lana Del Rey, vu dans des conditions peu confortables, résidait dans sa mise en scène, parfaitement synchrone de l’univers artistique de la chanteuse : danseuses renvoyant à Las Vegas, vidéos projetées illustrant des clichés presque publicitaires de l’Amérique (bikers, Californie & co), barre de club de strip tease sur laquelle Lana fera brièvement un tour, etc. Une carte postale dont, lorsqu’elle est à son meilleur, la musique de Lana Del Rey incarne l’envers.
La coolitude d’un guitariste à l’allure évoquant le Joaquin Phoenix des jeunes années, celui de Prête à tout, était un autre atout du concert. Comme celle d’un pianiste à barbe hipster et chapeau de cow boy. Mais le concert se fera nettement moins inspiré lorsque la mise en scène se fait plus dépouillée. Lana Del Rey possède un vrai personnage scénique, mais manque selon moi de cette présence qui transforme un bon concert en grand concert, celle d’une Patti Smith ou d’une PJ Harvey par exemple.
Ceci dit, ma crante initiale du pire me pousse à voir le verre à moitié plein. Et sur scène le pouvoir d’envoutement lynchien de Video Games suffisait. Pour un concert démontrant au moins l’inanité du mythe de la « Malédiction de Rock en Seine », celle qui aurait soi disant provoqué l’annulation d’Amy Winehouse, la séparation d’Oasis; l’orage cataclysmique interrompant Arcade Fire alors au pinacle, et les ratages des concerts de certaines grosses têtes d’affiches (les gangs respectifs d’Alex Turner et de Julian Casablancas).
Et ma réconciliation avec Lana Del Rey peut se poursuivre… en attendant ses nouvelles aventures discographiques.
Texte : Ordell Robbie
Photos : Hrv Bouche (merci à lui !)