Fontaines DC – Romance : Cure de Jouvence

« Le changement c’est maintenant » disait le slogan présidentiel. C’est peu dire que les enfants terribles de Fontaines D.C. ont suivi le conseil au pied de la lettre. Pour leur quatrième album, les dublinois mettent un peu de piment dans leur gourde de punk et s’aventurent vers de nouvelles contrées. Surprenant.

Fontaines D.C.
© Simon Wheatley

Une pochette affublée d’un cœur rose au-dessus duquel se niche un titre évocateur, Romance, tout de vert pétaradant vêtu. A première vue, rien n’indique que cet objet est l’œuvre des irlandais de Fontaines D.C. dont la musique brute et la posture post-punk concise se situe plutôt à l’exacte opposée de ce genre d’illustration. Une formation à la trajectoire ascendante, devenue en l’espace de trois albums l’une des références rock ultimes outre-Manche mais aussi par chez nous, preuve avec le succès – mérité – aussi critique que commercial en 2022 de Skinty Fia, leur premier top 1 des charts UK et top 7 ici.

Fontaines D.C. - RomanceCette petite coquetterie visuelle pour le quatrième rejeton a peut-être plus d’importance qu’un simple choix graphique. A l’écoute de l’opus, difficile de ne pas remarquer très vite une évolution musicale caractéristique, d’un parallèle à faire sur des nuances plus « colorées », plus pétillantes pour ne pas dire carrément pop.
Une réflexion menée et assumée par le quintet dublinois qui ne veut rien s’interdire et opère ici si ce n’est un virage à 180, au moins un changement de braquet.

Passage chez XL Recordings, James Ford appelé pour chapeauter la troupe (l’agenda de cet homme est effrayant, l’impression qu’il n’existe pas un disque anglais en 2024 sans voir son nom dans les crédits), le groupe change de dimension et voit plus loin, plus grand. Ce qui ne devrait pas laisser insensible, selon les accointances de chacun.

Pourtant tout commence classiquement, on démarre sur l’introduction éponyme, deux minutes de tension contenue avant l’explosion de Starbuster, single énergique à l’efficacité redoutable où l’on sent poindre déjà un nouvel aspect bankable – refrain/gimmick respiratoire au pont – et ouvre la porte d’une suite plus surprenante.
En effet, des morceaux tels que le badass teenage Here’s the Thing, le très britpop 90’s Bug, l’orchestration émotionnelle de In the Modern World ou le final Favourite et ses airs guimauves sortent clairement des sentiers (re)battus par Chatten et les siens jusqu’ici. Autant de titres qui sonnent comme une émancipation, comme une envie de se sortir d’un carcan devenu trop étroit pour des garçons qui ont clairement envie de s’amuser et de faire un peu plus « musique de stade ». Une cour de récréation grandeur nature où l’on essaie, où l’on se plante, où l’on s’en fout. Car avouons factuellement que les compositions citées ci-dessus ne sont pas toutes synonymes de triomphe, elles permettent seulement d’offrir à Fontaines D.C. une nouvelle palette pour un nouveau tableau.

Alors attention, Romance n’est pas non plus une mue vers Coldplay ou Muse, un minimum de sérieux. On n’est jamais loin de retrouver l’obscurité et l’effet hypnotique shoegaze le temps d’un Motorcycle Boy, d’un Desire ou de l’excellent Sundowner qui devraient redonner du souffle aux plus extrémistes des auditeurs, en pleine réaction épidermique devant toutes les évolutions d’à côté.
Même topo avec le frontal Death Kink, pour les amateurs de sensations fortes, sorte d’écho au fameux Starbuster. Évidemment les mecs n’ont pas perdu la flamme en route et fournissent la dose nécessaire pour décoller à nouveau.

Il y a dans ces onze pistes de quoi bien se servir et faire vivre le disque assez longtemps selon les goûts et les motivations. Là est peut-être la réussite de ce quatrième et si différent album: en sortant de la linéarité de ses prédécesseurs, il gagne en originalité et folie. Moins sage, moins réussi globalement certes mais attachant à sa manière. Comme le petit dernier d’une fratrie à qui on laisse plus de latitude par expérience, devant lequel on ferme plus facilement les yeux sur les conneries. Parce que ce n’est pas grave de ne pas être parfait. Parce que c’est important d’être un enfant.

Alexandre De Freitas

Fontaines D.C. – Romance
Date de sortie: 23 août 2024
Label: XL Recordings

1 thoughts on “Fontaines DC – Romance : Cure de Jouvence

  1. Rien à rajouter, totalement en accord avec cette excellente critique !

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