« Jour de ressac » : Maylis de Kerangal et les fantômes du Havre

Porté par un style riche, précis et soigné, Jour de ressac, le nouveau roman de Maylis de Kerangal nous entraine sur les pas d’une femme, de retour dans la ville de son enfance, au Havre. Un double portait très intime.

Maylis de Kerangal portrait 2024
© FRANCESCA MANTOVANI / GALLIMARD

Comment réagir quand la police du Havre vous appelle pour vous signifier que vous êtes convoquée au commissariat pour « affaire vous concernant », car un homme a été retrouvé sans vie près de la digue nord, avec, sur lui, un ticket de cinéma sur lequel est inscrit votre numéro de téléphone ? Pour la narratrice, dont on ne connaîtra jamais le nom, ni le prénom, il n’y a pas d’autre choix que de retourner dans cette ville où est elle a passé une partie de sa vie, il y a longtemps, quand elle était plus jeune. Aujourd’hui quinquagénaire, mariée à  Blaise, imprimeur de profession, mère d’une adolescente  qui pratique assidument l’escrime, cette parisienne qui travaille comme doubleuse pour le cinéma, mais aussi comme « voix » pour les livres audio, va devoir entreprendre un étrange retour dans le passé…

jour-de-ressacVoilà donc notre personnage principal, partie en TGV pour le Havre, avec mille questions en tête, essayant d’imaginer quel lien mystérieux la relie à cet homme sans identité, retrouvé sur une plage de cette ville qui est un point maritime stratégique pour les trafiquants de drogue.  L’occasion aussi pour elle, de se souvenir du temps ancien, quand, durant sa jeunesse, elle parcourait la ville, de long en large, avec ses copines de lycée, et qu’elle était amoureuse d’un certain Craven.

Dans ce nouveau roman, Maylis de Kerangal, sous couvert d’une intrigue policière, nous propose un double portrait : celui d’une ville, et celui d’une femme… elle, l’écrivaine qui a passé son enfance au Havre jusqu’à ses 18 ans. Elle nous raconte par tous les bouts, cette ville aux caractéristiques si particulières : à travers son histoire, sa géographie, mais aussi son ambiance, et tous ces lieux qu’elle a fréquentés par le passé.

Grâce à une écriture très sensorielle, extrêmement précise, alternant parler actuel et français classique, très stylisé, l’autrice de Réparer les vivants nous invite à une sorte de déambulation nostalgique, guidés que nous sommes par l’héroïne du roman, prise entre l’envie d’y voir plus clair sur cette affaire criminelle sans réponse, ses responsabilité familiales et le souvenir d’une jeunesse lointaine, dont les odeurs et les bruits remontent petit à petit à la surface.

Jour de ressac est un roman qui diffuse, au fil des pages, sa petite musique, son charme étrange, qui fait naviguer son héroïne entre les époques, et qui garde une part de mystère une fois refermé… un peu comme ces romans de Patrick Modiano où le personnage central arpente les vieux quartiers de Paris à la recherche de fantômes de son passé.

Benoit RICHARD

Jour de ressac
Roman de Maylis de Kerangal
Editeur : Verticales
256 pages – 21€
Date de parution : 18 août 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.