[Live Report] Rock en Seine – Jour 2 : Frank et Beth !

En cette seconde journée de Rock en Seine où la jeunesse s’excitait devant Måneskin, ce sont Frank Carter et Beth Ditto qui nous ont apporté le plus de bonheur. Qu’ils en soient remerciés !

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Frank Carter & The Rattlesnakes à Rock en Seine – Photo : Eric Debarnot

Aujourd’hui, à la Grande Scène, nous assistons à la répétition des scènes d’arrivée frénétique des fans, à l’image de celles qu’on a vues hier pour Lana Del Rey. Cette fois, il s’agit d’assurer la barrière, dès l’ouverture des portes, pour Måneskin ! Comment ne pas trouver ça réconfortant de voir un tel enthousiasme de la jeunesse (pas seulement française, mais européenne pour le coup) vis-à-vis d’un groupe perpétuant une tradition de « rock sexy et provocateur avec des guitares » ? L’ambiance à la Grande Scène est formidable, et on rêve que ce soit comme ça tous les jours à Rock en Seine.

2024 08 22 TLDP Rock en Seine J216h35 : on attaque la journée avec l’une des sensations de l’année outre-Manche, The Last Dinner Party : cinq filles (et un garçon à la batterie…) qui jouent une musique baroque – « décadente », disent les Anglais -, très originale, comme une version féminine, légère et malicieuse, de ce que Queen pouvait offrir dans ses moments les moins « stadesques ». Chaque chanson est un petit délice d’audace, évitant la structure classique couplet-refrain pour privilégier les ruptures de genre, de rythme et de ton. Tout ce petit monde a en plus l’air de beaucoup s’amuser sur scène, ce qui est évidemment communicatif. Abigail Morris, la chanteuse à la voix impressionnante, rayonne, nous offre de jolis pas de danse avec sa longue robe froufroutante. Le public, pas forcément familier avec la musique de TLDP, joue le jeu, et sans que l’atmosphère soit au délire, l’accueil de Rock en Seine est chaleureux. La setlist est bien entendue composée de titres de leur album, célébré par la critique et le public, Prelude to Ecstasy, mais les filles nous font l’honneur d’un nouveau titre, Second Best, très convaincant, et d’une reprise roborative du Call Me de Blondie. On fête sur scène l’anniversaire de la petite sœur d’Aurora Miveschi, la claviériste, et le set se termine avec le tube Nothing Matters. Nul doute que le groupe a gagné de nouveaux adeptes aujourd’hui.

 

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Kasabian à Rock en Seine – Photo : Robert Gil

18h05 : Kasabian, ce sera la première fois que nous les revoyons depuis le triste départ de Tom Meighan, et même si nous avons aimé les deux albums sortis sans lui, il est difficile de ne pas redouter l’absence sur scène d’un showman aussi efficace que Tom. Première constatation, la scène est décorée aux couleurs de l’arc-en-ciel de Happenings, le nouvel album, bien reçu en Grande-Bretagne (et généralement conspué par la critique française !). Et les instruments sont également peints en rouge, orange, bleu, violet… Comme l’album le suggère, doit-on espérer un retour aux bases de la part du « nouveau Kasabian » ? Dès que le groupe attaque, après une longue intro instrumentale amusante et « multi-genres », avec un Club Foot « historique », on comprend le projet : Sergio Pizzorno a adopté totalement les mimiques et le jeu de scène de Tom, et quasiment abandonné sa guitare (là où il excellait) pour « faire le show ». Les autres musiciens sont sagement alignés loin derrière lui, et les titres sont joués au maximum de puissance, avec une volonté de balancer des uppercuts incessants au public.

2024 08 22 Kasabian Rock en Seine J2 RGEt il ne s’agit pas ce soir, en dépit du décorum sur scène, de défendre Happenings, dont seulement 3 titres seront interprétés, mais bien de garantir l’adhésion de tous en se couvrant avec des « valeurs sûres » de la discographie du groupe. Alors, on se prend au jeu sur Underdog, puis sur Shoot the Runner, mais quand on passe aux morceaux récents, pourtant plus qu’honorables, le set fait pschiiit en quelques minutes. Et ne se récupérera jamais plus. Une version assez pitoyable du terrible Vlad The Impaler montre que même sur le dancefloor, Kasabian ne fonctionnent plus. Sergio fait son maximum pour mettre l’ambiance, mais, non seulement, il n’assure pas vocalement, mais son enthousiasme semble terriblement forcé, et on ne retrouve rien de la JOIE pure que dégageait le Kasabian de la grande époque. Pire, le public de Måneskin ne connaît pas les tubes du groupe et la mayonnaise ne peut tout simplement pas prendre…

Et ça devient franchement pathétique quand Sergio s’imagine que, comme en Angleterre, tout le monde à Rock en Seine est capable de chanter les paroles de LSF, ce qui n’est vraiment pas le cas. Le dernier clou dans le cercueil sera enfoncé avec une version terriblement mauvaise de Fire – pourtant l’une des plus belles bombes scéniques de l’histoire de la pop british – réduite ici à un rouleau compresseur sonore, avec des basses saturées qui font grimacer les premiers rangs.

Triste performance, qui confirme ce que les mauvaises langues affirmaient : on dirait bien que Kasabian, c’est fini !

 

2024 08 22 Frank Carter Rock en Seine J2 RG
Frank Carter à Rock en Seine – Photo : Robert Gil

18h55 : à la scène de la Cascade, on va se ressourcer au bon rock qui tache et qui castagne de Frank Carter, qui, avec ses Rattlesnakes, nous offrira un set de 50 minutes très, très réussi, intégrant, sans faux pli dans un même tissu organique, punk rock garage sauvage et élans lyriques à haute tension émotionnelle. On adore quand sur Kitty Sucker, ce petit lutin roux, tatoué, et n’arrêtant jamais de sourire, qu’est Frank, organise un circle pit parfait dont il est le centre, en plein milieu d’une fosse d’ores et déjà en fusion après deux morceaux. On apprécie peut-être plus encore quand, sur une chanson comme My Town, l’esprit punk s’enrichit d’une mélodie « power pop », pour porter le genre de texte à la fois engagé et émotionnel que IDLES savait écrire dans leur premier album : « My town, it looks like yours / We hide those tears behind closed doors / Never talk about our fear / Don’t know why we’re living here, my town » (Ma ville, elle ressemble à la tienne / Nous cachons ces larmes derrière des portes closes / Nous ne parlons jamais de nos peurs / Nous ne savons pas pourquoi nous vivons ici, ma ville). Ça s’appelle une grande chanson, et, derrière l’énergie généreusement dispensée par Frank et son groupe, on réalise qu’il y a beaucoup de grandes chansons.

2024 08 22 Frank Carter Rock en Seine J2 RG Il faut aussi dire combien Frank Carter est un showman attachant, se donnant au maximum pour faire monter l’excitation dans le public, tout en restant attentif au bien-être de tout le monde : le genre de bienveillance qu’on voit aussi chez son pote Joe Talbot de IDLES, et qui fait chaud au cœur, surtout associée à la radicalité musicale du Punk Rock. Ce soir, voyant qu’il n’y a pas d’agents de sécurité pour gérer les slammers, il demandera aux fans de ne pas se lancer dans du crowd surfing pour ne pas risquer de venir se fracasser au sol entre la scène et le public. On appréciera aussi ses plaisanteries gentilles avec les téléphones du public dont il s’empare, et d’une manière générale, le plaisir absolu qu’il manifeste tout au long de son set : voilà un artiste heureux d’être là, et de passer du bon temps avec nous.

De manière paradoxale, la conclusion du set sur I Hate You, chanson datant des débuts du groupe et vomissant a priori de la colère et de la haine, devient ce soir une sorte de célébration de l’humanité et de la complexité des rapports humains. C’est peut-être aussi ça, mûrir sans trahir ce qu’on était avant !

En tous cas, en ce second jour de Rock en Seine, Frank Carter & The Rattlesnakes nous auront offert non seulement le meilleur set de la journée, mais nous aurons aussi rendu le sourire. Et visiblement, nous n’étions pas les seuls !

 

2024 08 22 Gossip Rock en Seine J2 RG
Gossip à Rock en Seine – Photo : Robert Gil

20h45 : Une autre raison de sourire, même si l’on n’attend pas de ce concert le genre de sensations extrêmes que Frank Carter fournit à foison, c’est de retrouver Beth Ditto, de retour avec son Gossip. Même s’il s’agit d’un format différent de celui des débuts du groupe : le duo Beth – Nathan (à la guitare) est complété par trois musiciens de tournée, une batteuse qui remplace Hannah avec laquelle les rapports sont apparemment difficiles, Ted Kwo à la basse, et surtout Bijoux Cone à la guitare et aux claviers. Bijoux est une grande femme assez impressionnante, que Beth comparera en plaisantant (mais pas seulement) à Nico ! Rien que ça… En tous cas, le son de Gossip est puissant et acéré ce soir, offrant le meilleur écrin possible au chant toujours aussi renversant de Beth Ditto !

2024 08 22 Gossip Rock en Seine J2 RGCar Beth, même si certains ont cru voir qu’elle n’avait plus l’énergie de ses débuts, reste un phénomène : entre ses éruptions vocales capables de faire décoller n’importe quel morceau, ses éternelles plaisanteries pas toujours fines et ses comportements incontrôlables, elle reste une show-woman légendaire. Sincère, impulsive, délirante, elle est LE spectacle à elle seule. Et en plus elle apprend à parler français et communiquera abondamment avec nous dans cette langue qu’elle maîtrise mal. Comment pourrait-on ne pas l’aimer ?

Si Real Power, le dernier album, est peu présent dans la setlist – seulement trois titres, dont quand même une formidable version de son meilleur morceau, Crazy Again -, les « classiques » ne manqueront pas ce soir, jusqu’au double sommet incontournable de Standing In The Way of Control et Heavy Cross (un titre que Beth dit ne pas avoir voulu publier, et qui lui a permis d’acheter une maison à sa maman).

A la fin, Beth retire sa perruque orange (dont elle nous a dit qu’elle était très bon marché), et se perd dans la foule en chantant a capella L’homme à la moto, de Piaf. Quelle classe !

 

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The Psychotic Monks à Rock en Seine – Photo : Robert Gil

22h15 : Au Bosquet, ce sont les formidables Psychotic Monks auxquels il reviendra de conclure cette seconde journée, et ils nous offriront une heure d’introspection abstraite, dans cette atmosphère à la fois totalement concentrée et complètement folle qui les caractérise. Devant un public acquis à leur cause et leur discours, ils déploieront des trésors de créativité et d’audace, poussant toujours plus loin leurs expérimentation. De moins en moins facile d’accès, la musique des Monks reste une expérience esthétique et intellectuelle – mais sensorielle aussi – fascinante, jusqu’à un final en forme d’offrande physico-émotionnelle extrême. Alors, oui, c’est déroutant, et non, ce n’est pas très aimable – même si la bienveillance est au programme du groupe. Mais si on arrive à rentrer dedans, c’est un beau voyage qu’ils nous offrent. Tout en regrettant, petit bémol, que le groupe ait, du coup, renoncé aux pics d’intensité de naguère, qui nous manquent, forcément.

On se trouve samedi, puisque le programme de vendredi fait l’impasse sur le Rock, pour une autre journée promettant d’être aussi riche musicalement.

Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil / Eric Debarnot (Photo en-tête de l’article)

2 thoughts on “[Live Report] Rock en Seine – Jour 2 : Frank et Beth !

  1. C’est normal que Hannah, la batteuse de Gossip soit méconnaissable, étant donné que ce n’était pas elle…

    1. Oui, j’ai vérifié hier avec la « production » du groupe, et vous avez raison, je vais modifier mon live report. Merci pour votre commentaire !

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