« Les enfants loups », de Vera Buck : un polar allemand dans un village perdu de montagne

Dans ce « rural noir » puissant et particulièrement maîtrisé, Vera Buck met en place un décor et des personnages qui vont durablement imprégner le lecteur. L’histoire est complexe, les personnages bien dessinés, le suspense captivant. Coup de cœur de la rentrée littéraire.

Vera Buck
© Gallmeister

Vera Buck est une auteure allemande qui nous vient de Rhénanie-du-nord-Westphalie, le land le plus urbanisé du pays, celui de la Ruhr.
Son premier roman, Runa, avait reçu plusieurs prix mais n’a pas encore été traduit.
Les enfants loups est le premier traduit en français. Un « rural noir » si on veut lui coller une étiquette.

Suivons l’auteure jusqu’au fin fond d’une vallée de montagne, jusqu’au village perdu d’Almenen.
Ce n’est pas « un village où beaucoup de gens viennent s’installer, car il est situé au bout d’une longue vallée bien trop étroite où il n’y a pratiquement pas de soleil l’hiver. C’est pourquoi, quand les propriétaires d’une maison meurent, la maison meurt à son tour très rapidement« .

Allez encore un effort, montons un peu plus haut en altitude, dans le hameau dit de Jakobsleiter, où vivent ensauvagés les membres taiseux d’une communauté baptiste refermée sur elle-même sous la férule d’un prêtre un peu trop passionné, et nous voici « encerclés par des sommets de deux mille mètres« , au pied des éboulis d’un glacier noir.
C’est dans cette région qu’une ado de Jakobsleiter, Rebekka, disparaît un beau jour.
Une disparition qui résonne comme un écho à la disparition de la jeune Juli, c’était il y a dix ans.

Ce roman choral est fait de courts chapitres qui nous font découvrir peu à peu, un à un, les différents personnages de cette histoire complexe.
Laura, la nouvelle institutrice, qui voudrait bien que les rares enfants de Jakobsleiter aient une éducation.
Smilla, la journaliste de la ville qui voulait être détective, toujours obsédée par la disparition de Juli, son amie d’enfance il y a une dizaine d’années.
Martin, le flic bienveillant qui est le fils du maire d’Almenen. Un maire qui protège jalousement les secrets des habitants de Jakobsleiter.
Et bien sûr, les enfants loups de Jakobsleiter, Jesse l’ami de Rebekka, celle qui a disparu, Edith une petite sauvageonne mutique mais beaucoup plus futée qu’il n’y parait.

On apprécie que Vera Buck prenne tout son temps pour monter soigneusement son décor de montagne et ses différents personnages, pour nous imprégner de cette ambiance pesante. Jusqu’à mi-chemin de la randonnée où tout bascule et s’accélère, comme dans tout bon roman noir.
Quels sont les secrets du hameau de Jakobsleiter ?
Qui sont les loups qui ont élevé ces enfants ?
 » […] J’ai le pressentiment que ce village et le hameau dans la montagne ont bien plus à cacher. « 

Le lecteur n’est pas au bout de ses surprises et se retrouve bien vite happé par cette très bonne histoire, racontée avec une grande maîtrise. Les chapitres alternent les différents points de vue de chacun des personnages (tous soigneusement dessinés) et donnent l’occasion d’en découvrir un peu plus à chaque tour de roue, alors que dans le même mouvement le mystère s’épaissit.
Même les enfants sont suffisamment atypiques (et c’est rien de le dire !) pour nous éviter le ton mièvre ou puéril auquel on a souvent droit. 

Cette puissante histoire, prenante, particulièrement bien racontée est un coup de cœur de cette rentrée littéraire 2024. Les lieux et les personnages imprègnent fortement le lecteur qui croit bientôt crapahuter lui-même à la rencontre des habitants de ce hameau perdu. Une randonnée captivante parmi les loups.

Bruno Ménétrier

Les enfants loups
Roman de Vera Buck – traduction de l’allemand par Brice Germain
Éditeur : Gallmeister
480 pages – 24,50€
Date de parution : 22 août 2024