Après 20 ans d’existence, And So I Watch You From Afar lance non pas les hostilités, mais des flèches en flamme où s’entrelacent des riffs de guitares ciselées à une rythmique non pas métronomique, mais élastique. Preuve est que le Post-Rock peut dépasser les schémas qui lui sont assignés, à savoir : répétitions mélodiques, structures prévisibles. Megafauna illustre avec une précision d’orfèvre, les multiples capacités du groupe à se renouveler.
Pour de nombreuses personnes, l’été est une période culturelle aussi morte que la mer du même nom, le répit que l’on associe aux vacances ne justifie pas la raréfaction de la créativité. Les cerveaux en ébullition ne sont pas uniquement sous le soleil, où se bousculent les alluvions humaines, mais dans les caves, les studios, les forteresses secrètes d’où émanent des ébauches sonores. Depuis les contrées de Belfast, And So I Watch You From Afar nous présente son septième album, Megafauna, tout un symbole. Lisez cette chronique, on discutera après.
Le point central des membres du groupe est cette recherche constante d’expériences mouvementées, sans attache musicale précise, faisant déraper la réalité dans une toile sonore vigoureuse, éthérée, une résonance commune qu’avait déjà initié All Hail Bright Futures en 2013. Initialement, formé en 2005, le quartet avait créé une oeuvre personnelle, lancée tel un filet dans l’immensité. Leur musique évoluait déjà de manière aléatoire, instrumentale de surcroit, mais parfois s’y glissait la voix d’invités comme Niamh Farrell ou les cordes d’un quartet dans l’immense album Jettison.
Je vais m’abstenir de décortiquer l’oeuvre en question, mais pour approcher de l’univers du guitariste Rory Friers, Megafauna se déploie non pas seulement en longueur mais dans une créativité exceptionnelle, jamais répétitive. Chaque mesure se transforme, avec une fluidité naturelle, il faut souligner que les membres de ASIWYFA sont accoutumés à la composition, chacun apportant ses propres idées. On retrouve aussi Katie Tavini au mastering, Tommy McLaughlin comme ingénieur du son. Le jeu subtil des guitares de North Coast Megafauna s’entremèle, se complète, tout y est imprévisible.
L’anticipation pourrait aisément être la particularité de cet album. Non pas en terme de Science-Fiction, mais en tant que visions. Megafauna est massif, volubile, échappe à des thématiques hypothétiques, avec presque 20 ans au compteur, le quartet ne fléchit pas d’un iota, montant en grade et en intensité. Megafauna mérite amplement le titre de chef-d’œuvre, et accompagne le quotidien, un dérivatif plus que nécessaire dans lequel l’esprit vagabonde, traverse les miroirs, rejoignant des galeries souterraines que le groupe a confectionné.
Franck irle