« Célèbre », de Maud Ventura : une exploration divertissante du star system, mais pas plus…

Après Mon Mari, radiographie au scalpel très réussi de l’amour conjugal, gros succès public (plus de 300.000 exemplaires vendus), c’est peu dire que le deuxième roman de Maud Ventura est attendu. Cette fois-ci, elle explore le monde des stars dans un récit souvent drôle, mais qui peine à aller au-delà du simple divertissement plaisant.

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© Audoin Desforges

« La célébrité est ma vie. Celle que je savais que j’aurais, celle que j’ai fait en sorte d’avoir. (…) La célébrité est une drogue dure, un monstre féroce. Et je suis allée la chercher avec ma rage, avec mes ongles, avec mes dents. L’extrême notoriété a libéré la bête en moi, impitoyable et cruelle. Autant le dire d’emblée : je me suis sali les mains. »

Avec ses premières phrases, Cléo a tout dit. Oui, elle est célèbre, star planétaire de la chanson quelque part entre Taylor Swift, Lady Gaga et Beyoncé. Oui, elle a voulu devenir célèbre, elle qui a quatre ans affirmait à son père égyptologue qui lui lisait une histoire qu’elle voudrait être aussi célèbre que Céline Dion. Et oui, elle était vraiment prête à tout pour y parvenir. Lorsqu’on la découvre, petite trentaine, elle est au sommet de la gloire et part seule pour trois semaines sur une île déserte au milieu de l’océan pacifique, sans eau ni électricité, ni contact avec l’extérieur, « le genre de fantasme que la célébrité permet d’acheter. Quand on a tout, il faut bien faire preuve d’un peu d’imagination pour ses vacances d’été. »

celebreMaud Ventura l’a choisie comme narratrice à la première personne pour nous raconter son parcours et son ascension. On n’apprend rien sur les affres de la célébrité, les transformations profondes qu’elle induit sur la personne concernée ni sur son entourage, les rapports brouillés avec la famille, les amis et de potentielles histoires amoureuses. Mais on est séduit par le ton acide utilisé par Cléo, sans filtre, brutal même tellement il est cash, pour parler du sentiment d’impunité et de supériorité ou encore de l’ivresse de la richesse qui s’emparent d’elle. Maud Ventura a l’art de la punchline qui fait mouche, balançant quelques horreurs entre deux phrases plus anodines.

Cléo est odieuse à souhait, vaniteuse puissante mille, sadique même. On adore la détester, on se marre devant tant de méchanceté magnifiquement cachée au monde extérieur, et on se délecte d’être les seuls à connaître son vrai visage tant Cléo maîtrise à la perfection l’art du masque. Mais le roman est beaucoup trop long et a tendance à s’essouffler à mi-parcours ! 560 pages qui finissent par lasser car les situations sont tout de même très redondantes. Surtout on finit par s’habituer, quelque peu blasé, au cynisme de la jeune femme, ce qui désamorce et dilue la portée des scènes en les banalisant. Un récit plus resserré aurait sans doute gagné en densité dramatique

Au final, cette exploration des coulisses malsaines de la célébrité semble quelque peu fade par rapport à d’autres romans qui explorent également le star system, Glamorama de Bret Easton Ellis ou Monstre sacré de Donald Westlake, autrement plus dérangeants et troublants, en mode « feu d’artifice nihiliste ». De même, si le dénouement à double détente est excellent et totalement imprévisible (comme dans Mon Mari), il reste politiquement correct, ce qui colle bien à ce récit très plaisant, vif mais qui assume le choix d’être à la surface du sujet, gentiment féroce mais convenu. Les passages que j’ai préférés sont justement ceux qui forent plus loin, jusqu’à l’inquiétant, en décrivant certains actes autodestructeurs que Cléo ne peut contrôler alors qu’elle les pratique justement pour essayer de reprendre la main sur des situations incontrôlables.

Au final, ce deuxième roman est incontestablement plaisant mais ne décolle pas au-delà du simple divertissement. C’est déjà pas mal, mais on pouvait attendre plus de l’autrice.

Marie-Laure Kirzy

Célèbre
Roman de Maud Ventura
Editeur : L’Iconoclaste
560 pages – 21,90€
Date de parution : 22 Août 2024