« Je ne supporte pas ce monde trop dur, plein de femmes qui pleurent. Je veux aller sur cette île de l’autre côté de l’Afrique où tout est doux et facile. » Félix fuit, rêve et nous entraine à sa suite.
Ce très épais album regroupe quatre albums parus entre 1998 et 2007. Félix est un jeune homme élégant, courageux et suffisamment fortuné pour ne pas avoir à trop travailler. Il aime les livres, les vieux objets et l’Afrique. Il semble ne rien pouvoir refuser aux jolies femmes, à moins qu’il ne se saisisse du premier prétexte pour échapper au confort des grandes villes occidentales… Ainsi, il suit un jeune noir qui lui demande de l’aider à retrouver le trésor de sa famille ; il se précipite à la rescousse d’une jeune femme maltraitée ; il accepte d’aider deux vieux amis en se rendant au Sénégal. Dans le dernier opus, il quitte l’Afrique pour l’Inde, un continent qui le plonge dans la perplexité, la réflexion et la rêverie.
L’écriture de Christian Cailleaux joue sur la nostalgie du temps où les explorations étaient encore possibles dans un monde encore, pour partie, inconnu. Le temps où Arthur Rimbaud écrivait à sa famille : « Le monde est très grand et plein de contrées magnifiques que l’existence de mille hommes ne suffirait pas à visiter. » Audacieux, il ne craint pas de poser ses pas dans ceux des grands aventuriers écrivains, les Joseph Kessel, Joseph Conrad ou Henry de Monfreid.
Le dessin surprend. Bien que toujours précis et expressif, chaque album est travaillé différemment. Si la ligne est claire et l’impression en noir et blanc sur le premier, le trait se fait plus épais sur le second et bénéficie d’une couleur bleue. Le tracé est charbonneux dans le suivant et la coloration est ocre. Je vous laisse découvrir le dispositif du quatrième.
Christian Cailleaux admet que Félix est son double de papier. Son héros fuit loin, très loin, pour, enfin apaisé, revenir dans son atelier et dessiner. Ces voyages, il les a vécus. Pour lui, un séjour à l’étranger se doit d’être lent et long. Il veut vivre un long temps sur place, se laisser embarquer par des aventures imprévues et aux enjeux souvent secondaires. Peu importe l’intrigue, seul compte le voyage et le dépaysement. Il avoue tenter de comprendre l’essence de ces pays, qui restera, pour lui l’étranger, pour autant un mystère. De ces mystères seulement abordés, de ses désirs, frustrations et longs rêves exotiques, il tire le miel de ses histoires. Foncez !
Stéphane de Boysson