Comme chaque année, se tenait à Montpellier le Palmarosa Festival. Petit bilan de trois jours de fête et de musique en plein air en compagnie de The Hives, Calypso Vallois, Gossip, The Vaccines, Howlin’ Jaws, Phoenix, The Kills…
Domaine du Gramont, adossé au Zénith Sud de Montpellier, un parc immense, des infrastructures pour se rafraichir, un havre paradisiaque où l’on encourage à respecter l’environnement, grâce aux associations présentes. Température 32 degrés, des hamacs et des points d’eau, des estrades pour la presse et les sponsors, des stands pour se détendre, manger sur le pouce. Et un peu de merch, pas assez selon les fans des têtes d’affiche annoncées sur 3 jours.
Au delà de l’aspect comptable qui détermine la pérennité de tout festival, l’organisation du Palmarosa a eu conscience très tôt de l’enjeu de cette nouvelle édition déclinée sur 3 jours. Il y a une fâcheuse tendance à constater une chute vertigineuse et sans précédent des pré-ventes, ce qui met toute structure dans une position délicate. Le Palmarosa n’a pas échappé à cette situation, contraint de diminuer le prix de chaque billet, ce qui dès le départ, constitue une perte considérable. La programmation de cette année était largement consacrée à une pléiade d’artistes très hétéroclites. Pour faire simple, l’objectif était de s’adresser à un public beaucoup plus large.
Chapitre 1 : vendredi 23 août :
L’ouverture du festival a été confiée à Loons, lauréat du 34 Tours et du tremplin Crédit Mutuel. Sous un soleil de plomb, le trio montpelliérain ne s’est pas laissé déstabiliser par l’horaire prématuré, et devant un parterre de fans, Loons ont livré une prestation sur la scène Rosa avec un final digne d’un happening. Ce jeune groupe déjà maintes fois adoubé, prépare un premier long format. Direction la grande scène pour rejoindre en quelques secondes, la talentueuse et fascinante Silly Boy blue. De son répertoire inspiré de David Bowie, l’artiste, accompagnée d’une section de musiciens, a d’emblée charmé son auditoire. Au delà de son dernier single, Hate Forever, le set de la compositrice s’est articulé autour de compositions issus de l’album Eternal Lover, mais aussi de son précédent disque. Dans une chorégraphie toute en élégance, et ce malgré un problème technique, Silly Boy Blue a improvisé comme tout artiste capable de surmonter un imprévu. C’est en cela, que l’on reconnait la candeur intacte d’une artiste qui mérite d’être plébiscitée. Au tour de The Inspector Cluzo dont l’engagement et l’indépendance sont un credo revendiqué. Le duo n’a pas abandonné ses riffs bucoliques, ses vocaux qui ratissent dans le foin, bref une performance scénique jusqu’à la dernière note. Il est difficile d’épingler le spécimen, échappé de sa cambrousse : que dire de son phrasé inimitable, de ses accroches verbales ?
The Hives, le groupe mené par le charismatique Howlin’ Pelle Almqvist a fait monter d’un cran la température au sein du Palmarosa. Et quel set magistral ! Toujours cette énergie viscérale, jamais dans l’exagération. On pense aux Sonics, aux Fleshtones avec Main Offender, ou au punk rock des Ramones avec Hate To Say I Told You So. Je pensais que ce groupe initiateur d’un revival garage-punk aurait perdu de sa superbe ; au contraire, à grands renforts de titres fédérateurs, le public s’est déchainé sur cette fuzz et ce tremolo, faisant l’unanimité au sein d’un public conquis, un Countdown to Shutdown … Avant que Phoenix vienne conclure ce premier chapitre. A un show à la hauteur des attentes du public, il ne manquait qu’un titre Everythin’ is everythin’, et la boucle était bouclée. Que ce soit sur After Midnight ou Long Distance Call, la foule reprenait chaque refrain en chœur.
Chapitre 2 : samedi 24 août :
Après la première saillie d’un vendredi où la jauge des spectateurs était considérable, cette deuxième soirée fut quelque peu ombragée par quelques nuages, ce quin dès 17 heures, allait de pair avec le répertoire de Calypso Vallois. Quelques chansons tristes dont l’artiste parsemait de jolies envolées synthétiques, entrecoupées d’échanges avec le public. L’univers intimiste, le déroulé des titres extraits de ses deux albums (Apocalypse Now, Méchante Fille) n’a laissé personne indifférent. Calypso Vallois a réussi à envouter le public. Changement de scène avec Kazy Lambist et son électro-rock taillé dans le velours. Il est 18 heures, le site commence lentement à se densifier. La transition est parfaite. Le projet scénique du Montpelliérain Arthur Dubreucq coche toutes les cases du « Feeling Good », entendez par là que tous les ingrédients étaient subtilement mélangés pour obtenir une musique entraînante, idéale pour se déhancher. Scène Rosa, il est 19 heures et l’air est parcouru de frissons dès la première note-étincelle attisée par la guitare de Hugo Herleman. Bandit Bandit est de retour sur ses terres, et le public est au rendez-vous. Un feu et une énergie incommensurable s’est emparée de la scène, Maeva lance non pas les hostilités mais de petits coups de griffes capables de réveiller les morts. Le combo électrique démarre en trombe, Curseur est d’une énergie incroyable, une effervescence que Néant intensifie. Pendant les parties rythmiques démentielles d’Anthony, Bandit Bandit réussit même à créer un mouvement circulaire où la poussière décollait des semelles et laissait croire qu’un immense pit s’était formé (Mention spéciale à un des spectateurs avec sa veste Judas Priest).
Notons ensuite, la prestation « Sweet and Sour » de Kid Francescoli, alias Mathieu Hocine, avec pour intermède les Mixeuses Solidaires ! Le moment est venu d’évoquer Gossip qui viennent de sortir un nouvel album et ont entamé une tournée internationale. Beth Ditto, entourée de son full band, a rempli haut la main sa mission, et ce malgré l’arrivée d’une fine pluie presque salvatrice. Listen up ! a déclenché une véritable frénésie amplifiée par le charisme fou de chaque membre du groupe. Est-il besoin de préciser que des titres comme Yr Mangled Heart et Standing in the Way of Control créent un phénomène tel que les derniers degrés sont franchis jusqu’au moment ultime, à savoir en fin de setlist, Heavy Cross ? La barre est haute, et pour redescendre, le Palmarosa a offert la tête d’affiche aux Britanniques The Vaccines mené par Justin Young et son bassiste légendaire Árni Hjörvar. Depuis 2011, le groupe n’a cessé d’écumer tous les festivals, drainant derrière lui un amas de fans venus des quatre coins du monde. Citons des titres essentiels du groupe, Wreckin’ Bar, Handsome, et surtout l’indispensable Jump Off the Top. Alors que le ciel devenait de plus en plus menaçant, c’est justement au dernier accord du dernier titre que soudain, la pluie et l’orage se sont invités.
Chapitre 3 : dimanche 25 août :
Justement, parlons du public. La période finale du mois d’août est toujours soumise à une baisse de fréquentation du tourisme, et c’est au grand dam de l’organisation que les objectifs en terme de jauge n’ont pas été atteints. Pourtant, il est clair que la distinction entre estivant(e)s et fans de musique est évidente. Dans la foule, on pouvait aisément parler une dizaine de langues, sans compter les sourires sur des milliers de visages inconnus. Et pour ce dimanche, le public était quelque peu différent, beaucoup de teenagers sont venus voir leur idole Tom Odell. Mais en entrée, saluons la prestation de Howlin’ Jaws dont le dernier album a eu un succès retentissant. A la croisée de la power pop et du rock Sixties, le trio a inondé la fosse de ses phrasés alambiqués et de ses fractures rythmiques inattendues, un sans faute qui mérite d’être souligné, reprenant même Love Buzz de Nirvana (un titre composé par Shocking Blue). Férus de Pub rock, de Art Rock, Howlin’ Jaws décoche une nouvelle flèche parmi les groupes dont la culture et les références s’étale jusqu’à Status Quo ! Half Asleep Half Awake ou Through my hands et ses guitares entortillées mettront tout le monde d’accord, la musique de Howlin’ Jaws s’écoute sur la route, et surtout en boucle. C’est ensuite au tour de Please de s’exécuter sur la scène Rosa, entre Spandau Ballet et 10cc, le jeune groupe joue dans la catégorie des cadors, avec un brin d’auto-dérision qui n’enlève en rien le talent du trio parisien.
Vient le tant attendu Tom Odell avec son piano. La fanzone est pleine à craquer, une vague océanique de téléphones se lève brusquement. Je laisse ici le soin à chacun de décrire sa propre expérience. Moment de répit avant The Kills, Alison Mosshart et Jamie Hince, révélés en 2003 avec l’album Keep on Your Mean Side. Le duo n’a pas dit son dernier mot, aux larsens, aux boites à rythmes crades et aux synthés poussiéreux, U.R.A. Fever n’a pas pris une seule ride, comme si l’avenir venait juste de naître dans un laps de temps infini (Future Starts Slow).
Venons en à la grande surprise de ce Festival, Soulwax. Le projet initié par les frères Dewaele, conçu comme un monstre tentaculaire (3 batteries sur scène et la présence de Igor Cavalera) a couronné le Palmarosa. Avec ses structures technologiques modernes, avec la présence de synthés analogiques et sous l’apparence de Kraftwerk, le groupe belge a littéralement ébloui le public. Entre une techno mutante, martelée par des blasts et des bips hypnotiques, visuellement, tout était minutieusement réglé comme la console d’un grand orgue d’église. Sous une cathédrale électrique, vrombissaient des textures sonores caoutchouteuses qui rebondissaient sur toutes les parois possibles et se glissaient jusque sous la peau !
On retiendra de ce festival, une fluidité aux points cashless et aux stands/ bars, bien plus efficace que l’édition précédente. La présence de Sébastien Thoen, parrain du festival. Une organisation secondée par une équipe de bénévoles très dynamique. Certes, un public en dessous de la jauge espérée. De nombreux médias présents et invités dans une estrade où l’ambiance était propice aux points presse. Bref, on souhaite au Palmarosa d’être pérenne pour les années futures. Il est certain qu’il faut trouver un juste milieu niveau programmation pour répondre aux attentes d’un public hétéroclite.
Franck irle