Lorenzo Coltellacci et Davide Aurilia mettent des images douces et simples sur un fait divers abominable, sans broder, ni juger.
Mars 2015, à Barcelone, une jeune femme s’inquiète à l’idée de partir, avec sa fille, divorcer en Allemagne ; un jeune couple prépare un voyage qui, pour l’un doit consommer leur rupture définitive, pour l’autre tenter de refaire naître la passion moribonde ; un homme hésite à rejoindre son père qu’il n’a pas revu depuis la mort de sa mère ; une femme a hâte de rejoindre son amant… Tous s’apprêtent à partir pour Düsseldof. Au même moment, après avoir repassé son uniforme, un homme sombre termine, en silence, sa valise. Lui aussi est sur le départ. Il est pilote et nous devinons qu’il prendra le même vol. Le titre, la date, le comportement du pilote, les passagers et la destination nous alertent, Le Dernier vol s’inspire ouvertement du tragique crash de la Germanwings.
L’acte suicidaire du co-pilote, au profil psychologique inquiétant a été requalifié en meurtre de masse. L’ironie de l’histoire est que, suite aux attentats du 11 novembre, les postes de pilotage des avions de ligne avaient été « sécurisés » pour les protéger des passagers, qui pouvaient cacher des terroristes. Or, la réglementation n’avait pas envisagé que le danger pouvait venir des pilotes !
Le dessin, très simple, de Davide Aurilia est d’un classicisme absolu. Ses personnages sont bien croqués et sa ligne claire semi-réaliste est parfaitement mise en valeur par une coloration lumineuse.
Lorenzo Coltellacci prend le temps de nous faire découvrir chacun de ses personnages. Ils se livrent tous longuement, et avec une sincérité touchante, auprès d’un d’ami, d’un amant ou d’une mère aimée. Immanquablement, nous nous attachons à leur histoire, puis à leur personne. Leurs tourments pourraient être les nôtres. L’enquête n’est pas parvenue à découvrir les motivations du véritable tueur, qui sont restées inconnues. Sagement, trop peut-être, le scénario s’interdit de les imaginer. Il nous réserve néanmoins quelques surprises, mais qui ne répondront pas aux attentes des lecteurs les plus curieux.
Au final, ce sympathique exercice d’empathie nous rappelle, s’il en était besoin, que les victimes des crimes de masse ont toutes une histoire différente qui méritait d’être racontée.
Stéphane de Boysson
Le Dernier Vol
Scénario : Lorenzo Coltellacci
Dessin : Davide Aurilia
Éditeur : Steinkis
144 pages, 22 €
Parution : 14 mars 2024
Le Dernier Vol — Extrait :
