Entrer dans le dark folk du Skeleton Band, c’est comme assister à un spectacle théâtral : sur scène les regards sont graves, la pâleur comme neige au soleil. Outre Rage est un disque abouti, qui réconcilie avec le texte, la matière et l’esprit.
Derrière leurs gestes de pudeur secrète, leurs sursauts troubles, leurs étourdissements et leur mélancolie, et même derrière la délicatesse avec laquelle certains aspects de l’existence s’impriment sur leur sensibilité et font jaillir des étincelles, Le Skeleton Band s’avance sur la scène du monde, essayant de changer le sens du récit en refusant le vieil ordre séculaire : le texte est primordial dans leur répertoire, chaque chanson a sa symbolique.
Imaginez vous dans une taverne au fin fond d’un No Man’s Land, spectateurs d’une performance alternant musique acoustique et soudaine tension électrique. Après L’Orage qui inaugure l’album, est d’une beauté troublante, de par ce crescendo progressif mais surtout l’intensité des textes déclamés comme un avertissement. En trois minutes, tout semble être condensé dans cette seule composition. Il suffit d’écouter attentivement le crissement des instruments (Contrebasse, banjo, violon, guitare), un arsenal rompu à toutes les possibilités.
Serions-nous en présence de l’album de la consécration ? Le Skeleton Band a commencé son voyage, avec Preacher Blues, vers piqués à dominance anglophone. Un parcours qui mène le combo à signer chez Head Records, avec Tigre Teigne en 2017 où l’indicible est exprimé comme des feux follets dans la nuit. Le Ventre De La Baleine est une comptine échouée dans un rade, la tessiture d’Alex Jacob colle à merveille avec cette musique rugueuse aux rythmes disloqués. Entre Captain Beefheart et Tom Waits pour les comparaisons, ou Alice Artaud pour le lexique.
Se prémunir du mal tout en s’y rapprochant un peu plus pour mieux le combattre, voilà qui résumerait l’esprit collectif du quatuor. Préserver comme sacrées la sincérité, l’amour et la vérité. Une trinité illustrée par le titre Les Oiseaux Tombent, avec sa cadence magistrale, et ces voix venues des nuées, dont Marion Julien harmonisant avec les lamentos limpides du violon. Niveau production, l’enregistrement a été confié à Amaury Sauvé qui a réussit à affiner, à capter le moindre bruissement. Cette noirceur prend une autre direction dans Concrete Lake, non pas que le groupe s’éloigne de ce dark folk, mais intensifie les riffs, là où la voix de Alex Jacob évoque une dérive nocturne. Le groupe parle aux étoiles, aux absent(e)s, un rayon de pensée focalisé sur de probables légendes. Nos morts finit sur un larsen comme une décomposition sonore. Une colère métaphysique émane de chaque titre, solennelle, un cri d’alarme envers la nature.
On dit que les rêves sont passifs parce qu’ils sont le récit raconté par d’autres, je ne crois pas que ce soit tout à fait vrai, avec Outre Rage, le réel vient nous percuter. Le Skeleton Band fait l’effet d’un pamphlet à la face d’un monde froid et désincarné. Cet album rend le désespoir réversible, car au bout de chaque note, chaque voix, il y a toujours de quoi gravir le dernier seuil qui nous rapproche des astres.
Franck Irle
Nous ne remercierons jamais assez les attaché(e)s de presse dont Marion Notte ( contact presse) pour le travail accompli. Et pour la sortie du disque, le groupe sera en showcase à Ground Zéro Montpellier le 20 Septembre !