Avec Ann d’Angleterre, Julia Deck quitte momentanément l’univers de la fiction pour nous raconter les moments douloureux vécus suite à l’AVC de sa maman. En parallèle, elle esquisse son portrait tout en évoquant les relations complexes qu’elle a entretenues avec elle.
Jusqu’alors, Julia Deck nous avait plutôt amusés avec ses romans au style teinté d’humour, entre fiction et réalité, et son écriture drôle, enlevée, parfois sarcastique, en tout cas très singulière. Pour ce nouveau livre, changement de ton et de registre. Elle laisse de côté la fiction pour un récit purement autobiographique dans lequel Il y est principalement question de sa mère, Ann, pas très en forme suite à un AVC.
On l’aura compris, il s’agit là un roman autobiographique dans lequel il est question de l’histoire familiale de l’auteure, et plus précisément de l’histoire de sa maman, Ann, né en 1937, dans le nord-est de l’Angleterre qui, par une triste journée de 2022, est retrouvée par sa fille, inanimée sur le sol de son appartement à Paris, victime d’un AVC. Quasiment condamnée par la médecine, il ne lui reste plus que quelques temps à vivre. Pourtant sa fille continue d’y croire.
Dès les premières pages, on est dans le vif du sujet, avec un récit écrit dans l’urgence, pour raconter son expérience et celle de sa mère face à un système hospitalier aux moyens limités, et tout le stress que cela peut engendrer chez les patients comme chez les soignants. Parallèlement, Julia Deck évoque ses souvenirs d’enfance à elle, mais aussi ceux de sa maman, et de l’évolution de leur relation au fil du temps. L’autrice revient sur la vie de cette femme avec laquelle elle a toujours entretenu des relations distantes ou compliquées, se doutant bien que tout n’a pas été dit sur sa famille, et que des secrets dorment encore au fond d’une armoire, de l’autre côté de la Manche.
C’est un roman à la fois simple et foisonnant que nous propose là l’autrice de Monument national, parvenant à mettre sur un même niveau l’histoire familiale, son histoire personnelle, sa dépression, le rapport mère-fille, mais aussi, comme on l’a dit, les dysfonctionnements de la médecine et de l’hôpital.
On est saisi par la sincérité et la puissance du propos, de ce récit sur l’histoire de ces deux femmes, sur les choses qu’elles ne se sont pas dites. On ne sait pas si ce roman aura une quelconque valeur thérapeutique, mais en tout cas c’est une œuvre littéraire remarquable.
Benoit RICHARD