Le Procès du Chien joue d’emblée joue d’emblée la carte de la séduction, avec des personnages attachants, des situations cocasses et un charge satirique bien dosée. Une comédie foisonnante avec aussi quelques réflexions féministes et humanistes.
Il y a quelques années, Laetitia Dosch croise Justine Triet et elles évoquent leur projet à venir, très étonnées de constater les similitudes : un film de procès, avec un chien et son maître mal voyant. Les points communs s’arrêtent néanmoins au fond, car la forme va clairement dissocier la Palme d’Or Anatomie d’une chute et le premier long métrage de la comédienne, Le Procès du Chien, qui ira davantage lorgner du côté de la fantaisie d’un autre film de Triet, Victoria, dans lequel un chien était également appelé à la barre.
Cette comédie atypique, qui voit une avocate, spécialisée dans les causes perdues, prendre la défense d’un chien menacé d’euthanasie après avoir attaqué plusieurs personnes, joue d’emblée la carte de la séduction. Les personnages sont attachants, les situations cocasses et la charge satirique bien dosée. Et, surtout, Laetitia Dosch prend soin de ne jamais trop empeser son message, pour s’en tenir à la tonalité légère d’une fable, où l’amateurisme de son personnage rejoint la modestie avec laquelle l’apprentie cinéaste fait ses premiers pas. De ce point de vue, le recours à la voix off est particulièrement perspicace, puisqu’il ajoute un commentaire incertain sur une entreprise hasardeuse, les atermoiements d’une avocate obligée de définir continuellement les limites fuyantes de son sujet, et les enjeux croissants que le procès engendre.
On pardonnera ainsi à Laetitia Dosch et sa co-scénariste Anne-Sophie Bailly d’avoir trop voulu en dire, et de perdre par instant le fil dans des intrigues secondaires (le jeune voisin, la liaison avec le dresseur…) qui confèrent un air de brouillon trop profus à l’ensemble. Car ce foisonnement est aussi le cœur d’un récit, par lequel le procès fantaisiste centralise progressivement tous les points de tension de l’époque.
Le rapport à l’autre est ainsi questionné dans toutes ses strates, que ce soit par la différence d’âge, de classe sociale, de sexe, ou même d’espèce, l’animal étant assigné à un rôle qui mérite lui aussi d’être redéfini. Sur ce plan, le film touche juste, et quitte par instant la pure comédie pour faire vaciller quelques certitudes, questionner les évidences et injecter des réflexions féministes et humanistes toujours nécessaires. Car loin de se poser en conte philosophique assenant une morale figée, le récit tangue et accompagne un questionnement en perpétuelle évolution, fait tomber la protagoniste dans certains pièges, et met avant tout en avant la difficulté à se saisir d’un sujet devenu médiatique et collectif.
La réponse proposée a ceci de réjouissant qu’elle est loin d’être assertive, et va puiser sa force dans le non verbal : le rapport à l’animal, et à un homme (Jean-Pascal Zadi) qui serait l’incarnation même de la bonté, sur laquelle aucun discours descriptif ne serait nécessaire. Face aux erreurs du réel, aux colères mal exprimées et à la tentation grandissante du repli sur soi, l’élan d’une caméra tendue vers ceux à qui on ne donne pas la parole.
Sergent Pepper