Vendredi soir, à la Gaîté Lyrique, Laura-Mary et Steven fêtaient avec nous les vingt ans d’existence de leur merveilleux groupe, Blood Red Shoes. Et nous offraient l’un des plus beaux concerts de leur carrière…
Flashback : on est le 8 juin 2007, au Bataclan. Avec un ami, nous attendons tranquillement, appuyés contre la scène, que la première partie commence, avant Maxïmo Park, le groupe que nous sommes venus voir ce jour-là, en devisant sur la musique et ce genre de choses. Quand d’un coup, un grand fracas derrière nous nous fait sursauter de frayeur : c’est Steven Ansell – qui ne paraît même pas avoir 15 ans, et que nous prenions pour un roadie – qui frappe sur ses fûts avec une énergie surhumaine. Le premier set que je verrai de Blood Red Shoes est lancé, et c’est le début d’une histoire d’amour avec ce groupe, ce duo plutôt, qui dure encore, 17 ans plus tard. Une histoire d’amour que je ne suis pas le seul à vivre, et qui remplit (presque) la Gaîté Lyrique en cette belle soirée où Laura-Mary et Steven fêtent les 20 ans d’’existence de leur groupe, avec une tournée d’anniversaire basée sur des setlists largement choisies par le public qui pouvait voter pour ses titres favoris…
20h00 : … mais avant, il nous faut passer une courte demi-heure avec DITTER, jeune trio français ayant eu la bonne idée de mêler attitude et sonorités punks à une musique plus « contemporaine » (de l’électronique, des vocaux parfois « rappés »). Et, dans la bonne tradition du punk français, de porter un langage contestataire : « Tout est politique » est l’un de leurs messages les plus importants, susceptibles de réveiller une jeunesse qui ne se mobilise que très peu. Qui plus est, la chanteuse a une bonne voix, une vraie présence scénique, et se démène pour agiter le public. Bref, tout cela est sympathique, mais, malheureusement, DITTER peinent à capter notre attention pendant tout le set, la faute à des facilités, mélodiques en particulier, à un désir de simplifier leur musique pour « accrocher » le public qui les rend trop prévisibles. Avec plus d’ambition, DITTER pourrait devenir quelque chose d’intéressant, laissons-les donc évoluer.
21h00 : C’est en format quatuor que Blood Red Shoes pénètrent sur une scène décorée de ballons roses épelant « 20 Years », pour entamer leur set sur le doublé Elijah et Bangsar, deux chansons de Get Tragic, un album que les fans n’adorent pas particulièrement, en général. C’est a priori surprenant par rapport au programme « spécial » annoncé, mais Dan (à la basse et à la guitare) et James (aux claviers) quittent la scène après cette introduction, et laissent Laura-Mary et Steven revenir au format classique du duo pour lancer la partie « anniversaire » : ce sont sept morceaux fantastiques, extraits des premiers albums que tout le monde adore, qui sont joués avec un enthousiasme, une joie même, totalement communicatives. De It’s Getting Boring by the Sea à In Time to Voices, en passant par le magnétique Cold, ce n’est que du bonheur, et ce d’autant que tous deux rayonnent de joie… une chose pas si courante avec Laura-Mary, ou tout au moins qui ne l’était pas durant les premières années d’existence du groupe… Le travail à la guitare de celle-ci est comme toujours magnifique à observer (et à entendre), et son vieil ampli Marshall, qui semble avoir fait toutes les guerres du Rock’n’roll et y avoir survécu, vomit vaillamment sa lave en fusion. Quant à Steven, malgré les vingt ans passés depuis la création du groupe, il massacre ses caisses avec la même exubérance d’un enfant à qui on vient d’offrir son premier tambour. Juste beaucoup, beaucoup plus fort !
On a compris que ce set « d’anniversaire » sera structuré en alternant titres historiques choisis par « nous » joués en duo et titres récents avec Dan et James, histoire de ne pas être dans la nostalgie inutile. Il est difficile de ne pas remarquer que, finalement, les choix de chansons faits par le public sont peu surprenants, avec beaucoup de titres qui n’ont jamais vraiment quitté les setlists de Blood Red Shoes (Light It Up, An Animal, This Is Not For You, Je me perds, Colours Fade…). Parmi les plus originaux – que Laura-Mary explique avoir dû réapprendre à jouer « en les écoutant sur Spotify et en regardant des vidéos de fans qui les avaient appris » ! – citons le superbe When We Wake, l’un des grands moments d’émotion de la soirée : cinq bonnes minutes d’un sublime crescendo qui met les larmes aux yeux et que l’on se reproche, du coup, d’avoir quasi oublié… « In the end is this all we can ask for? / Breathing every day and night just waiting » (En fin de compte, est-ce tout ce que nous pouvons demander ? / Respirer tous les jours et ne faire qu’attendre toutes les nuits), soit un constat certes triste, mais aussi plein d’espoir d’un changement possible, qui résonne de manière particulière quand on célèbre un anniversaire…
Mais, même si l’émotion a été bien présente ce soir, avec par exemple les remerciements que Steven (le beau parleur du duo, comme toujours…) nous a adressés pour notre fidélité depuis le début, on a surtout beaucoup souri, et même ri : le jeune Dan est devenu la mascotte du public, amenant Steven à plaisanter que « eh, c’est notre anniversaire, pas le sien ! », et l’humour anglais a fleuri : « Quand nous avons commencé, nous vous aurions ri au nez si vous nous aviez dit que nous serions encore là vingt ans plus tard. Nous n’avions pas la moindre putain d’idée de ce que nous étions en train de faire… D’ailleurs, nous n’avons n’en toujours pas la moindre aujourd’hui… ».
A la fin du set, la version de I Wish I Was Someone Better, avec un final étiré pour que nous puissions tous chanter ces fameux mots en chœur, a peut-être été la meilleure que j’aie jamais entendu le groupe jouer sur scène en 17 ans. Et si ça ne l’était pas, eh bien, fuck it !, ça y ressemblait beaucoup. Quant au rappel, il a été d’une puissance réjouissante, avec en particulier le rare ADHD, qui nous a ramenés d’un coup à 2008… quand nous n’avions pas la moindre putain d’idée de ce que nous étions en train de faire ! D’ailleurs, c’est toujours la même chose aujourd’hui…
Merci à Laura-Mary et Steven de nous l’avoir rappelé en une heure trente-cinq minutes parfaites, et avec autant de rage, d’élégance et de plaisir. Joyeux anniversaire à tous !
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil
Bonjour à vous ! Dans votre enthousiasme que je partage aussi puisque j’étais présent pour ce très bon concert vous vous êtes trompé il n’a pas eu lieu jeudi soir mais vendredi soir !
Salut Eric ! J’étais juste derrière toi, comme déjà à Binic et comme en atteste les quelques souvenirs là ;-) : https://www.youtube.com/@Chacauxx/videos Très bon live report comme d’hab ! J’étais monté en train pour commémorer aussi l’anniversaire, même si je les avais vu dans des conditions incroyables (devant une petite centaine de personnes, dans un champ !) un mois plus tôt. « Pas le seul » assurément mais pour moi ce n’était « que » 15 ans depuis la première rencontre. Mais il y en a quand même encore peu qui me font prendre le train pour les voir avec ce millésime là ! Setlist majoritairement estampillée « request show » effectivement (avec « ADHD » que je n’avais jamais vu jouée !!) même si perso, j’aurais bien voulu entendre « Surf Song » (jouée à Berlin et Londres) et « It’s My Turn » (bonus track – édition japonaise du 4ème album, jamais jouée live je crois) que j’avais mis en tête de ma « wish list » ! Là pour le coup, c’aurait été mon concert de l’année pour sûr !! :-) Allez … bonne continuation live à toi ! N’oublie pas de faire tes nuits quand même ! ;-) Pas improbable que je remonte pour le « They’re Gonna Be Big » au Supersonic. A voir … On s’y recroisera peut-être ! Cheers !