[Live Report] Richard Hawley et Tom McRae au Trianon : 233 guitares !

Hier soir au Trianon, nous avons retrouvé l’impérial Richard Hawley, neuf ans après son précédent passage. Un set hyper électrique – un véritable festival de guitare -, et également très éclectique… même si le crooner déchirant de True Love’s Gutter n’était malheureusement pas sur scène…

2024 09 16 Richard Hawley Trianon
Richard Hawley au Trianon – Photo : Eric Debarnot

Neuf ans, cela fait neuf ans que Richard Hawley n’est pas venu nous rendre visite : la dernière fois que nous l’avons vu, c’était le 25 novembre 2015, et nous avions rendu hommage, un verre à la main, aux victimes du Bataclan, 12 jours plus tôt. Oui, tous ensemble, public et groupe, les larmes aux yeux, dans la salle de l’Alhambra, et notre amour pour le crooner de Sheffield avait encore crû. Mais cet amour, peu de Parisiens le partagent en 2024, ou peut-être rechignent-ils à payer le prix, élevé, du billet. Ou bien encore ont-ils préféré ce soir aller écouter les Lemon Twigs ou Jane Weaver… En tout cas, le Trianon est loin d’être rempli pour ce set exceptionnel de Richard Hawley en formation électrique complète, après plusieurs concerts donnés en duo acoustique à travers la France.

2024 09 16 Tom McRae Trianon 20h00 : première partie de luxe, aujourd’hui, puisque c’est le brillantissime Tom McRae qui s’y colle. Seul avec sa guitare acoustique, devant un public respectueux et totalement silencieux (sans doute aussi pétrifié par ce qu’il entend), Tom nous offre 30 minutes proches du sublime. Il y a d’abord ces chansons, à la douceur infinie et aux textes sidérants : « So for the restless / Not the peaceful sleeper / This song’s for you / And for the faithless / Not the true believer » (Alors pour celui qui s’agite / Pas pour le dormeur paisible / Cette chanson est pour toi / Et pour l’infidèle / Pas pour le vrai croyant – For the Restless), qui écrit des choses comme ça ? Il y a ensuite cette voix étonnante, féminine, pure, mais capable de monter d’un coup dans le registre de la colère, de l’hystérie et de l’angoisse aigüe. Et il y a surtout l’intensité affolante que McRae dégage, littéralement irrépressible ce soir, et qui est l’apanage des très grands. S’agit-il de prouver qu’il peut concurrencer Hawley ? Le set se termine sur un Boy with the Bugglegun entraînant et (juste un peu) moins déchirant que ce qui a précédé. Ouaouh !

2024 09 16 Richard Hawley Trianon 21h00 : Richard Hawley est là, entouré de sa garde, qui comprend le fidèle spadassin (maître des arpèges à la guitare électrique 12 cordes) Shez Sheridan. Richard grisonne désormais, paraît plus mince, mais arbore toujours une tenue très classe de teddy boy. Le groupe comprend un troisième guitariste en plus de Shez et Richard, la scène et ses côtés sont envahis de guitares : on voit tout de suite que les mecs ne sont pas venus ce soir pour enfiler des perles. Du coup, on réalise que pour profiter de la voix magnifique de Richard, il valait sans doute mieux miser sur un set acoustique.

Et ça se confirme malheureusement très vite, même si la voix est mise en avant dans un mix bien équilibré : à égalité avec le dernier album, qui est une sorte de pot-pourri des différents styles musicaux explorés par Hawley, c’est l’album le plus bruyant, le plus axé sur les guitares électriques, Standing at the Sky’s Edge, qui est le fil conducteur de la setlist. On va donc alterner ce soir entre chansons plutôt débonnaires – comme le lourdaud Deep Space ou l’americana country excessivement festive de Is There Someone To Find Me? – et les déflagrations rock, totalement réjouissantes.

2024 09 16 Richard Hawley Trianon

Comme les trois guitaristes changent d’instrument à CHAQUE morceau, quelqu’un demande depuis la salle : « Mais, Richard, tu as combien de guitares ? ». Ce à quoi Hawley répond avec ce délicieux humour du Nord de l’Angleterre : « Est-ce que ma femme est là dans la salle ? Si oui, j’en ai 4. Si elle n’est pas là, j’en ai 233. Mais ne lui dites pas ! ». Non, Richard, on ne lui dira pas, on va juste l’écrire noir sur blanc ! C’est évidemment, pour quiconque aime l’instrument roi du Rock’n’Roll, un éblouissant festival de virtuosité, mais surtout une formidable collection de sonorités différentes, à chaque morceau. Standing at the Sky’s Edge est un petit tsunami électrique, et, en quasi-conclusion du set, Don’t Stare at the Sun est absolument parfait.

2024 09 16 Richard Hawley Trianon Mais pour ceux qui, comme nous, attendent le crooner magnifique que nous vénérons depuis plus de 15 ans, nous ne l’entendrons pas ce soir. Même le merveilleux Open Up Your Door, seul rescapé sur la setlist de ce chef d’œuvre absolu qu’est Truelove’s Gutter, semble chanté… sans émotion, sans âme. On se rattrapera in extremis avec une belle version de People (« la chanson la plus calme que j’aie jamais écrite… », nous confie Richard, ce qui n’est pas tout à fait vrai, mais lui permet de nous demander de ne pas parler pendant qu’ils la jouent…), incluse dans un rappel accéléré pour respecter le couvre-feu de 22h30.

On aura donc eu ce soir Hawley le plaisantin (« Même s’il y a écrit Richard Hawley sur les billets, je ne suis pas seul pour faire cette musique. Il y a tout un tas de gens importants qui m’aident… Malheureusement, ils n’ont pas pu venir ce soir ! », avant de présenter son groupe…), Hawley le militant de gauche (« Il y a chez nous une usine qui fabrique des idiots, on ne sait pas où elle est, mais il y a plein d’idiots partout, qui votent… », « On s’est débarrassés des fascistes aux dernières élections. Bon, maintenant, on a des petits fascistes à leur place… », « Sur cette scène, nous sommes tous des Européens ! »), Hawley le prolo fier de ses origines (il balade son panneau « Welcome to Sheffield » à bout de bras), Hawley le guitariste flamboyant : c’était bien entendu formidable. Mais Hawley le crooner, celui que nous étions vraiment venus voir, n’était pas là.

Comme le faisait remarquer un ami en sortant : « Il n’a même pas remercié Tom McRae pour l’ouverture de la soirée ! ». Quand on sait combien Hawley est un type sympa et généreux, cet « oubli » n’est peut-être pas anodin.

Texte et photos : Eric Debarnot

1 thoughts on “[Live Report] Richard Hawley et Tom McRae au Trianon : 233 guitares !

  1. J’ai assisté à ce spectacle exceptionnel et cette critique est très précise et complète, sauf que je ne partage pas l’opinion de l’auteur selon laquelle nous n’avons pas entendu la voix de « crooner » de Richard.
    J’ai trouvé qu’elle était très évidente dans les chansons plus douces, que je préfère en général.
    J’ai été un peu déçu d’entendre la « diatribe » politique de Richard. Comme beaucoup de gens dont les opinions penchent vers l’extrême gauche, il imagine que les gens qui ne partagent pas ses opinions sont « méchants » ou « idiots ». Pourquoi les gens civilisés ne peuvent-ils plus accepter d’être en désaccord ?
    Soit dit en passant, je suis également issu d’une famille de la classe ouvrière du nord de l’Angleterre. (PS : je n’écris normalement pas de manière formelle, mais mon français écrit est déplorable et j’utilise donc un site de traduction).

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