En 1772, Benjamin Franklin, connu mondialement pour ses expériences sur l’électricité, reçoit pour mission de rallier les soutiens aux insurgés américains, auprès de la cour de France. De cette trame diplomatique, Apple TV sort une série « grand siècle » chargée de rappeler les liens qui unissent la France aux Etats-Unis et Apple TV à l’exception culturelle.
De 1772 à 1785 Benjamin Franklin – connu des amateurs de sciences français en raison de ses travaux sur la foudre – , est chargé d’une mission de soutien aux insurgés américains en révolte contre le roi d’Angleterre. Ils comptent sur sa notoriété pour lui permettre de se faire recevoir au Versailles de Louis XVI, afin d’y négocier l’envoi d’argent, de matériel ou de troupes pour se défendre contre l’armée anglaise bien décidée à mettre fin à la révolte de ses colonies outre Atlantique. Malheureusement, Louis XVI ne semble pas vraiment décidé à entendre parler d’un peuple souverain se révoltant contre la monarchie absolue, fusse-t-elle celle incarnée par George III de la maison de Hanovre.
C’est sur la durée de cette mission française de Benjamin Franklin que revient la série de Tim Van Patten, écrite par Kirk Ellis et Howard Korder. Une série qui est le Marseille, le Lupin ou le Emily in Paris de Apple TV+ en somme, tant les décors de carte postale semblent destinés à promouvoir le tourisme dans la capitale. Alors, au vu des essais précédents des plateformes américaines pour conquérir le cœur des spectateurs hexagonaux avec des décors réels qu’ils reconnaissent, doit on craindre que tout le budget de production soit passé dans le tournage sur site (dans l’enceinte du château de Versailles que l’équipe de tournage a investi de juin à novembre 2022) ?
Il y a d’abord un constat. La production Apple TV+, exigeante, essaie de dévier le moins possible des faits historiques. L’essentiel de l’histoire racontée ici est un chassé croisé politique autour de Versailles où, puisque le roi serrurier n’a que peu d’intérêt pour la chose américaine, les protagoniste essaient de trouver les financements d’une révolution par le biais d’accord commerciaux ou grâce à l’appât du gain d’investisseurs privés.
Les faits d’armes du Marquis de Lafayette, nobliaux foufou, sont ici présentés par l’angle d’une jeunesse en quête d’aventure, et ses batailles ou ses blessures ramenées à des épiphénomènes qui le retiennent loin de la cour. L’histoire de nos manuels (l’inspiration de l’indépendance américaine sur la révolution française, le lien historique entre la France et les Etats-Unis…) est ainsi ramenée à la trivialité quotidienne de la finance et de l’oisiveté de la cour.
La trame de l’intrigue est, dès lors, assez mince, et c’est ce qui déroutera les amateurs de séries contemporaines. Point ici de ce mystère des poisons qui faisait le rebondissement du Versailles de Canal+, à peine un peu de sel amené par l’esprit libertin de Franklin, qui jouit de sa notoriété de physicien et d’américain auprès de ces dames. On ne s’ennuie jamais, mais il est sûr que pour les rebondissements et autres climax d’intensité… On repassera. Je comprends les critiques qui appuient leur démontage de la série sur cet angle.
Mais je n’ai pas envie de jeter, pour autant, ce Franklin avec l’eau du bain. Car il s’agit typiquement une série qu’on déguste en couple, pelotonné l’un contre l’autre. Le genre de séries qui se complète par une discussion où on fait des recherches : « ah c’est qui ce Comte de Vergennes, en fait ? », « Elle existe, Madame de Brillon?, etc…. Une sorte de 3ème mi-temps pour le plaisir de l’Histoire. Et puis l’air de rien… le casting fait un boulot de dingos, Michael Douglas en tête.
A dire vrai, toute la série tient sur le jeu d’acteurs. Noah Jupe en petit fils de Franklin est parfait, Ludivine Sagnier est parfaite en courtisane mère de famille tiraillée entre les convenances et son affection pour l’homme politique américain. Quant à Thibault de Montalambert, en ministre des affaires étrangères de Louis XVI, il est parfait. Il a la prestance, le verbe et même la carrure de ne pas se faire étouffer à l’écran par un Douglas taillé pour le rôle (…ou un par un rôle écrit pour lui).
Alors oui, qui recherche du grand spectacle et de l’époustouflant ne sera ravi que par les décors et par les quelques intérieurs bourgeois de l’unité de lieu qui a guidé l’équipe de production. Pour autant, avec un jeu d’acteurs qui rapproche l’ensemble d’une fresque théâtrale, et avec un rythme vraiment pas lentissime, j’ai pris plus de plaisir aux 8 épisodes de Franklin qu’à l’ensemble de Versailles, seul référent récent avec lequel comparer une série en costumes située à l’époque de Cour.
Denis Verloes