[Live Report] The Mission et Divine Shade à Petit Bain (Paris) : « Deliver Me! »

Belle soirée « rock », au sens eighties du terme, pour les fans de The Mission, mais également pour tous ceux qui s’étaient aventurés, sans nostalgie, à Petit Bain en ce lundi soir pluvieux…

2024 09 23 The Mission Petit Bain RG
The Mission à Petit Bain – Photo : Robert Gil

Comme chaque fois qu’un groupe survivant des années 80 joue à Paris, la salle – Petit Bain, cette fois – est pleine, et une longue queue s’allonge devant (et sous la pluie), bien avant l’ouverture des portes : signe que chez les quinquas, voire les sexas, la passion de la musique, colorée de nostalgie, est toujours forte. Autant, sinon plus que chez les plus jeunes, pour qui la musique est souvent une distraction parmi d’autres, parfois plus importantes. Ce soir, c’est The Mission, ce drôle de combo auquel on peine à coller une étiquette, qui semble défier les années qui passent avec une élégance qu’on ne leur aurait pas reconnue « à l’époque », et qui profite de la fidélité des vieux rockers parisiens. Et c’est très bien comme ça.

2024 09 23 Divine Shade Petit Bain RG (1)19h45, soit un quart d’heure avant l’ouverture officielle de la soirée, le trio lyonnais Divine Shade ouvre le bal avec leur rock indus / dark wave : ils citent Gary Numan – avec lequel ils ont tourné, et co-composé une chanson, nous expliquent-ils – mais on les rapprocherait plutôt des Young Gods suisses, par exemple. Dans une obscurité quasi-totale, ils égrènent de courts morceaux mêlant synthés et guitare post punk, sur lesquels un chant plutôt mesuré se pose (plutôt que « s’élève »). La quasi-totalité des sons électroniques sont pré-enregistrés, le batteur rajoute une touche de violence « organique » bienvenue, tandis que le guitariste ajoute ces sonorités « rock » dont le but est clairement de créer un mélange de genres. On est bien en peine de juger de ce qu’on entend, qui n’est certes pas désagréable, mais s’avère curieusement anodin. La faute sans doute à un son qui passe entièrement par la sono, et non par des amplis sur scène, ce qui confère à la musique un aspect « désincarné » quand on est placé dans les premiers rangs, et empêche donc une quelconque immersion. Difficile dans ces conditions d’avoir un avis clair sur la musique de Divine Shade, qu’il faudra revoir…

2024 09 23 The Mission Petit Bain RG21h00 : Wayne Hussey (guitare douze cordes, superbe, en bandoulière) et Craig Adams (à la basse), les fondateurs de The Mission – qui venaient alors de quitter The Sisters of Mercy – sont sur scène, et ça fait bien plaisir, ma foi, de les retrouver aussi fringants, et surtout heureux d’être là avec nous. The Mission en 2024, ce n’est pas comme beaucoup d’autres rescapés des seventies ou des eighties, une sorte de cover band de l’original où ne subsiste guère que l’un des musiciens originaux :  non, ce sont les vrais de vrais, car le brillant guitariste au Stetson noir et à la guitare métallique finement ouvragée, c’est Simon Hinkler, qui était lui aussi présent aux débuts du groupe, en 1986…

La musique de The Mission est difficilement qualifiable : il ne reste pas grand-chose du rock gothique dont elle est issue, et on y trouve plutôt des échos du rock héroïque typique des années 80, parsemé d’accents folk. Pas si loin par exemple de gens comme Big Country (sans le gimmick des guitares-cornemuses), The Alarm, voire New Model Army : les guitares règnent en maître sur des rythmiques occasionnellement martiales, le chant ne recule devant aucune emphase – ce qui donne très vite l’envie de tous brailler en chœur avec Wayne Hussey, qui n’a, il faut le dire, pas perdu sa voix : l’intro du set sur Wasteland, titre représentatif de la musique de The Mission, annonce l’heure et quarante-cinq minutes que nous allons vivre. C’est-à-dire une célébration sans honte d’un Rock millésimé eighties, lyrique, mélodique, fait pour allumer les briquets dans les stades… Pourtant, joué dans une salle aussi accueillante que Petit Bain, devant un public d’une taille plus raisonnable, composé de fans hardcore qui connaissent toutes les paroles et chantent de tout leur cœur, c’est beaucoup, beaucoup plus sympathique.

2024 09 23 The Mission Petit Bain RGEnsuite, comme les choses ne sont heureusement pas si simples que ça, Hussey enchaîne avec une reprise… sur laquelle on a du mal à mettre un nom, même si on connaît nous aussi les paroles, et depuis toujours. Il s’agit en fait de Tomorrow Never Knows, des Beatles… dans une version méconnaissable ! Bien joué, Wayne !

A partir de là, la setlist va nous proposer un pot-pourri de titres de toutes les époques du groupe, avec même une paire de nouveaux titres, comme l’excellent Kindness Is a Weapon, qui prouve que The Mission ne vivent pas uniquement sur leur passé. Le son est impeccable – comme la plupart du temps à Petit Bain -, les lumières au diapason, et les musiciens passent visiblement un excellent moment : les vannes volent parfois entre Wayne et Craig, mais Wayne ne rechigne jamais à échanger avec nous, au premier rang, ni même à poser gentiment pour les photographes. Bon esprit !

Le set se referme au bout d’un peu plus d’une heure sur un Deliverance royal. Et même si on se moquera de nous, quel plaisir de gueuler tous ensemble : « Give me, give me, give me, deliverance / Brother, sister, give me, give me / Deliverance, deliver me » ! Soit le genre de moments enchantés où l’on se souvient d’un coup pourquoi le Rock était une forme de musique profondément PO-PU-LAI-RE.

2024 09 23 The Mission Petit Bain RGEt le meilleur est encore à venir, avec deux rappels de trois titres chacun, qui emmèneront le set au-delà de l’heure de couvre-feu officiel, au fil de morceaux qui figurent clairement parmi les préférés des fans : on aura droit au tubesque Butterfly On A Wheel (pas si éloigné que ça des hits de U2 de l’époque, si l’on peut oser cette comparaison outrageante), à un épique Beyond the Pale, à Wake (RSV), martial crescendo posé sur un beat électronique, à une impeccable reprise du Never Let Me Down Again de Depeche Mode, et pour conclure, à un Tower of Strength aussi lyrique et extatique que son titre le promet. Bon, un regret, quand même : on n’aura pas entendu leur célèbre (et célébrée) cover du Like a Hurricane de Neil Young. La prochaine fois, peut-être ?

Pour finir, il est illusoire de débattre pour savoir si The Mission étaient – sont ? – un grand groupe ou non, ou si ce concert a été un grand concert : on est par contre certain d’avoir passé une bien belle soirée « Rock ». N’est-ce pas le plus important ?

Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

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