Sur un thème a priori passionnant, la monstruosité de l’amour maternel, Alexandre Aja échoue aussi bien sur le tableau du film de terreur que sur celui de l’étude psychanalytique : Mother Land démarre bien mais s’avère in fine une grosse déception.
Tiens, pour une fois, le titre « français » d’un film anglo-saxon est plus juste par rapport au sujet que l’original, au point d’ailleurs d’être quasiment un spoiler quant au thème du film. « Ne lâche jamais » (… la corde) est donc devenu « le pays de la mère », annonçant franchement le sujet psychanalytique – par ailleurs classique – du nouveau thriller fantastique d’Alexandre Aja : la monstruosité potentielle de l’amour maternel, quand l’instinct de protection devient tyrannie, puis « dévoration » des enfants aimés.
De prime abord, Mother Land / Never Let Go est un drame post-apocalyptique, soit un genre très à la mode en ce siècle d’angoisse existentielle : la fin du monde a eu lieu, et une mère et ses deux enfants survivent difficilement dans une maison isolée au fond des bois. Ils survivent en respectant une règle inflexible édictée par la mère (Halle Berry, méconnaissable et pas particulièrement à l’aise, ni crédible, dans le rôle) : il ne faut sortir de la maison que « encordé », attaché par une corde que l’on ne doit jamais lâcher, de peur que « le Mal » ne vous touche, et vous conduise à la folie meurtrière.
Très rapidement, Mother Land fait écho de manière insistante – et forcément gênante – à The Village, l’un des tous meilleurs films de Shyamalan… ce qui amène le spectateur à penser rapidement (ceci n’est pas un spoiler !) que la réalité du monde n’est pas celle que raconte la mère protectrice à ses deux fils. A partir de là, le côté « thriller » – entrecoupé de manière assez gratuite par des scènes horrifiques dont on aurait sans doute pu allègrement se passer (Aja n’est pas Shyamalan, mais on le savait déjà) – se nourrit des doutes de l’un des deux fils sur le récit maternel, et sur ce qui arrivera quand on tentera de traverser les bois et / ou de lâcher la corde.
Evidemment, le problème des scénaristes était de trouver une issue originale à l’impasse dans laquelle ils se sont eux-mêmes fourvoyés, et les nombreux rebondissements contradictoires de la dernière partie du film n’ont pour résultat que d’égarer le spectateur, de brouiller sa compréhension, et finalement de désamorcer et la tension du film, et l’intelligence potentielle de la « solution ». Ce qui est quand même un comble, puisque l’idée « cachée » derrière le scénario est à la fois habile et profonde, avec de belles résonnances psychanalytiques, justement.
On sort de Mother Land profondément déçu : le film ne fonctionne pas, ni comme film de terreur (il y a peu de scènes qui ne soient pas convenues, voire déjà vues et revues), ni comme réflexion sur la maternité. Un échec, donc.
Eric Debarnot