« Drame chez les riches sur le sable… Je ne fais rien… mais je le fais bien » : cette chanson d’Alister, si on la connaît, ressurgit forcément en mémoire à la vision de la nouvelle série à succès de Netflix en cette rentrée. Quelques stars, une promo matraquée, un concept vu et revu, mais ça reste toujours aussi efficace qu’un Cluedo géant aux multiples rebondissements. Thème éculé, plaisir coupable.
On retrouve donc Nicole Kidman, désormais maître de l’incarnation des grandes bourgeoises un peu timbrées, dans la peau de Greer Garrison, pièce centrale d’une famille de nantis un peu hors-sol, vivant sur une île du Massachussets, près du littoral le plus luxueux du monde. La série démarre par la soirée de veille du mariage d’un des trois fils avec sa promise d’un milieu beaucoup plus modeste. Le lendemain, jour de la cérémonie, la demoiselle d’honneur de la future mariée est retrouvée noyée, droguée au bord du rivage. Qui l’a tuée ? Evidemment, tout le monde, au fur et à mesure de l’enquête (et des épisodes) va se retrouver dans la liste des suspects, tout en faisant ressurgir passé trouble, liaison interdite et gros secrets enfouis qu’on déterre en groupe.
Sentiment de déjà-vu ? Bien entendu ! Un couple parfait ressasse les ingrédients du « whodunit » (qui a tué qui ?), qui est pratiquement devenu un genre à part, depuis que les scénarii à la Agatha Christie ont émergé dans les productions des plateformes et sont des succès à chaque fois (Elite, Only Murders in the building, Green Onions, sans compter les enquêtes policières classiques). Allant parfois jusqu’à des facilités déconcertantes et pas mal d’incohérences, ce qui affaiblit beaucoup le principe du thème – à savoir retrouver un coupable avec des preuves tangibles.
Poussif par moments, donc. Mais sacrément addictif aussi : la série propose pas mal de rebondissements qui alternent les suspicions sur les uns et les autres à coups de cliffhanger sur chaque fin d’épisode et une montée en puissance des personnalités de chaque protagoniste jusqu’à un final-climax – un brin déceptif, ne nous voilons pas la face.
Le plus ennuyeux dans cette production très bien huilée, c’est le cynisme attendu ou suggéré lors du premier épisode : on égratigne les classes très aisées, on évoque un peu les passages de bistouri de celles qui ne veulent pas vieillir – Kidman face à Isabelle Adjani, le combat de la chirurgie esthétique à outrance – mais aussi le décalage entre classes sociales au vitriol. Ce cynisme-là, malheureusement, se perd et se délite au gré de l’enquête pour finalement tomber à plat. Alors qu’Un couple parfait aurait pu être l’écrin idéal pour témoigner du monde à part de l’ultra-luxe américain déconnecté des problèmes sociaux actuels, une métaphore de l’ère trumpiste, comme l’avait amorcée dans sa saison 1 The White Lotus, il promet un peu mais ne donne rien au final.
On se contentera donc de six épisodes, chargés en pirouettes scénaristiques pour trouver un coupable, dans une ambiance froide et luxueuse, où tous les acteurs s’échinent à jouer leur meilleure partition du « ça doit pas être lui/elle… mais peut-être que… ». Du théâtre filmé platement (à la Netflix, donc) mais qui a le mérite de nous laisser collés au fauteuil pour bingewatcher la série et s’en amuser, à l’image du générique (bien plus original que le reste de la série) : une sorte de flashmob pré-mariage, où chacun essaie d’imiter la chorégraphie de son voisin et de se marrer de ce que donne l’ensemble. Comme pour improviser une danse collective, Un couple parfait divertit, point barre. « On ne fait rien, mais on le fait bien ». Merci Alister.
Jean-François Lahorgue