Avec Songs For The Dead, Catherine Graindorge nous gratifie d’un disque d’une beauté absolue, sorti en Avril 2024. Il n’est jamais trop tard pour saisir ce qui est intangible et pourtant à portée de main. La violoniste Belge réussit à nous en convaincre une fois de plus !
Le nom de Catherine Graindorge est fascinant à bien des égards : avec trois albums à son actif, l’artiste belge tisse avec son archet une toile musicale qui s’étire depuis 2012 jusqu’à aujourd’hui, avec notamment un EP enregistré avec Iggy Pop. De sacrées rencontres, justement, que ce soit avec le théâtre et la danse en complément, domaines dans lesquels elle a composé, collaboré. Le rideau de la défiance est définitivement levé dès que l’on pénètre dans ses compositions oniriques, sacrées, sublimes.
Dès qu’un disque est publié, le voici déjà périmé, la consommation va trop vite, on zappe, et puis on passe à autre chose. Songs For The Dead paraît au printemps 2024, et ne se limite pas seulement à une angoisse couchée sur papier, mais par contrecoup, dans un amour éperdu de création, il s’agit d’un soupir de reconnaissance envers ceux/celles qui nous ont précédé. Fortement influencée par la littérature Beat, en hommage à la mort tragique de Joan Vollmer, compagne de William Burroughs, Songs for the Dead est un requiem. Eurydice, qui ouvre le disque, rapporte le récit de la déesse descendue aux enfers, après la morsure mortelle d’un serpent, contée ici par Simon Huw Jones (And Also the trees). Textes à l’appui d’Allen Ginsberg – précisons que Catherine a également travaillé avec Mark Lanegan, Warren Ellis et Nick Cave -, c’est dans The Invisited Garden qu’est condensée toute l’intensité de son œuvre. Il est admis que les tempos lents sont parmi les plus difficiles à exécuter, Time is Broken est la combinaison de couches successives de cordes, de voix, maintenues sur une eurythmie dont les fondations s’équilibrent sur un fil ténu mais solide.
L’axe de Songs for The Dead va au delà des références mentionnées précédemment, la mythologie rejoint la réalité tout en prolongeant l’histoire de femmes proverbiales. Dans le continuum ordinaire du temps, il y a cette promptitude qui donne accès à ce qui est éthéré, minimal, qui semble nous échapper en permanence, et saborder notre compréhension. Par quel processus peut-on passer sous silence des expériences dont personne ne pourrait attester de la véracité ? Par quel principe imprononçable un état d’existence reste-t-il suspendu dans une agonie qui suit le spectacle de la mort ? Il devient particulièrement difficile d’accepter, même sous le sceau du secret, une vérité acquise d’avance.
Catherine Graindorge creuse dans un récit sous l’influence des rêves, et nous réconcilie avec le monde des vivants.
Franck irle
Catherine Graindorge – Songs For The Dead
Label : Glitterbeat
Date de Sortie : 26 Avril 2024