Expérimental et ambient, le nouvel album de Dummy n’oublie pas pour autant les fondamentaux de la motorik-pop. Les guitares et claviers sont à la fête et les chants ont toujours cette classe intemporelle.
Repérés en 2021 avec leur premier album Mandatory Enjoyment, les quatre Angelenos offraient un panorama sonique sous les auspices des Feelies et de l’early-Stereolab, au côté des Melenas ou En Attendant Ana, tous pensionnaires de l’excellent label chicagolais Trouble In Mind.
Le nouveau disque Free Energy leur offre de nouvelles perspectives. Dummy drague les rythmiques indie-dance 90’s et a visiblement tripé sur la Kosmische musik. Les chants de Emma Maatman et Nathan O’Dell restent un atout lorsque les expérimentations sonores sont rappelées à l’ordre par les guitares. Dès Intro-UB, des rythmes dance, des claviers difformes et des bandes inversées nous plongent dans la béatitude. L’instrumental nous ramène directement en 1993 et par ricochet à Seefeel lorsque l’indie-pop s’offrait des pilules psychédéliques.
Un larsen plus loin, Soonish trace sa route au croisement de la noisy-pop et du groove madchester (World of Twist style), Emma y chante comme une sirène sur les toits de Hulme Crescents. Sur Unshaped Road, les deux voix se télescopent offrant aux blips et bips de belles dérives cosmiques. La contemplation se joue d’Opaline Bubbletear qui ambiance sévère avec un saxo en direct de l’ionosphère, joué par Cole Pulice. Quelques grooves trances mêlés à des chants mixés comme des instruments en flottaison font décoller Blue Dada, véritable maelström pop, qui aurait pu être hébergé chez Too Pure, avant que tout s’emballe aux sons d’orgues Farfisa saturés. Dummy sort son Korg EM1, et Nullspace cimentent les délires un peu condescendant ou pléthore de sons synthé-bulles font la course aux riffs syncopés.
Minus World aime les basses vertigineuses, les guitares répétitives et légères qui virent à la saturation le temps d’un break. Le clavier devient viral, la production cheap confère au titre une intimité bienvenue. Dip In The Lake vire krautrock, un piano mélancolique donne le tempo au séquenceur, le chant de Nathan n’a jamais été aussi intime, avant que le titre sombre dans le planant.
Le summum du badtrip psyché est atteint avec Sudden Flutes qui débute sur les chapeaux de roues bruitistes avant de laisser place aux délires de hippies-flutistes, à l’instar de l’ennuyeux Psychic Battery qui se réfugie derrière des synthétiseurs bavards , des chants perchés et beats minimalistes. Retour aux choses sérieuses avec le revigorant Nine Clean Nails qui a tout d’une pop song parfaite pour aller bronzer sous les rayons du soleil vert. Le son est chaud, Emma transporte la mélodie où elle veut et le bassiste a son moment de gloire. Une belle pièce space-rock que l’instrumentale onirique Godspin va sceller dans le cosmos. La tête dans les tourbillons psychés et électroniques, Dummy a su évoluer tout en gardant les pieds sur des terres motorik.
Mathieu Marmillot