Coliseum, le nouveau roman de Thomas Bronnec, est une satire aussi réjouissante que cruelle, qui soulève des questions sur les travers de notre classe politique et sur nos modes d’actions individuelles ou collectives.
En 2022, après une trilogie sur les coulisses du pouvoir, Thomas Bronnec nous avait impressionnés avec Collapsus, dystopie effrayante mais vraisemblable, dans laquelle un gourou d’internet accédait à la plus haute fonction : la présidence de la République. Dans ce roman, Bronnec s’interrogeait notamment sur la fin et les moyens. Pour sauver la planète, faut-il en sacrifier une partie ? s’interrogeaient en substance les personnages de Collapsus.
Son nouveau roman, Coliseum, s’inscrit d’une certaine manière dans la continuité du précédent, bien que Bronnec y développe des thèmes différents. Bronnec nous projette à nouveau dans un futur très proche, 2028. La crise démocratique que nous traversons actuellement, loin de s’être apaisée, s’est au contraire amplifiée. C’est dans ce contexte que le parti présidentiel, Horizons, décide d’organiser des primaires d’un nouveau genre. The One est une émission de télé-réalité du style Loft Story, mais ses candidats sont des femmes et des hommes politiques qui briguent les plus hautes fonctions. C’est donc le public de cette émission qui va désigner le futur candidat du parti Horizons, après avoir regardé quatre prétendants enfermés pendant plusieurs jours dans une luxueuse villa. Parmi eux, Nathan Calendreau, un ancien ministre des Finances qui compte sur cette émission pour réussir son come-back politique après une traversée du désert.
Dans le même temps, on va suivre la trajectoire de trois jeunes filles, trois féministes qui ne supportent plus de voir des femmes tomber sous les coups des hommes. Thaïs, Pauline et Liên entrent dans la clandestinité pour passer à l’action : désormais, chaque fois qu’une femme est assassinée, elles tuent un homme, au hasard… Et elles laissent un message sur le cadavre pour que cet acte, qu’elles jugent politique, soit bien compris.
Et à quelques minutes du lancement de The One, Calendreau reçoit une lettre anonyme qui lui ordonne de renoncer à sa participation à l’émission. Dans le cas contraire, il sera responsable d’un drame à venir…
Ce point de départ montre bien que Thomas Bronnec a à nouveau décidé d’interroger la question des moyens. Si la cause de Thaïs, Pauline et liên est on ne peut plus légitime, leur mode opératoire, qui risque par ailleurs d’inspirer d’autres jeunes filles, paraît inacceptable. Pour autant, au-delà de leur radicalité, leur volonté et leur besoin de changer les choses tranchent avec les portraits au vitriol de nos quatre candidats de The One. Tous les chapitres qui racontent le déroulement de The One sont l’occasion d’une savoureuse satire de notre classe politique. L’ambition personnelle, l’hypocrisie, les coups bas, les trahisons semblent être les seules boussoles de ces personnages qui oscillent entre le médiocre et le pathétique.
Le dispositif narratif mis en place par le romancier, plus simple que celui de Collapsus qui relevait davantage du roman choral, permet de soulever bien des questions sur les travers de notre classe politique et sur nos modes d’action individuels ou collectifs. Thomas Bronnec évite toutefois la caricature car ses personnages ne sont jamais univoques, jamais simplistes. Évidemment, le constat n’en est que plus cruel.
Grégory Seyer