1988 est une année faste pour le Studio Ghibli, qui produit et sort deux extraordinaires chez d’œuvre, très différents, le doux Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki et le déchirant Tombeau des lucioles de son ami Isao Takahata.
Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, formatée par une overdose de productions Disney, ma vision du monde était tristement manichéenne. Mon monde se partageait entre les méchants – la méchante fée, le capitaine Crochet et Dark Vador – et les bons – Blanche Neige, Peter Pan et Han Solo…
Puis, vint la découverte, dérangeante mais oh combien fascinante, de la complexité avec Le voyage de Chihiro, Le Château dans le ciel et Princesse Mononoké. Pas de méchants dans ces histoires, mais des sorcières capricieuses, des divinités blessées ou une guerrière féministe, autant d’adversaires coriaces aux motivations compréhensibles… Le « Mal » en prenait pour son grade. Le Mal était en lui, en moi ou en nous tous.
Je n’étais pas au bout de mes peines. Mes filles adorent Mon voisin Totoro. Non seulement le casting de ce dessin animé ce compte pas de « méchant », mais le scénario est dépourvu de combats et de quêtes… Rien à commenter… ou presque. Jugez par vous-même : afin de se rapprocher de leur mère malade, deux jeunes sœurs s’installent, avec leur père, dans une vieille bâtisse, à la campagne. Nous les suivons dans la découverte de leur nouvel univers, la maison, les rizières et les potagers, les voisins et l’école, le gigantesque camphrier et ses habitants. C’est tout.
Il suffit que les crayons de Miyazaki animent deux petites filles pour que je « plonge » ! C’est fou. Les gamines courent, rient, font la roue, s’interpellent. La petite singe sa grande. La grande protège la petite.
Hier soir, au côté de Satsuki et de Mei, j’ai « plongé » et retrouvé une âme d’enfant. J’ai crié dans le grenier pour exorciser ma peur. J’ai trotté dans la maison à la poursuite des noiraudes. J’ai ramassé des glands et des fleurs sauvages. J’ai joué avec la pluie. Miyazaki est un génie bienfaisant. J’ai surtout rencontré Totoro. J’hésite à vous le décrire, vous allez vous moquer de moi. Totoro… et le chat-bus. Difficile à croire, un chat-bus ! Je l’admets. Ne le répétez pas. J’ai encore plongé…
P.S. Pour son unique incursion dans le mode de la petite enfance, avec Totoro, Hayao Miyakaki a créé son personnage le plus fort. Conscient de ce succès, il en a fait le logo du studio Ghibli.
Stéphane de Boysson