On serait presque convaincus que le groupe danois émerge du fin fond des années 70. Une sonorité tranchante et un chant doublé presque cryptique. Through Holes Shine the Stars, qui vient de sortir, surprend par sa poésie et sa noirceur.
Si les adages peuvent conforter l’idée que les vérités sont réduites à quelques préceptes, que les imprécations du passé sont le corollaire de notre présent, la discographie de Demon Head est à contretemps, par sa résolution à rester inféodé à recourir aux instruments virtuels. Prouesse qui s’est caractérisée depuis 2014, date de Ride The Wilderness, dont le doom permet de reconnaître les figures emblématiques (Pentagram, Saint Vitus, Pagan Altar) d’un macrocosme musical incommensurable préservant le moindre secret comme un trésor perdu.
En provenance du Danemark, le quintet nous invite à nous méfier des instances de légitimation uniformisée, préférant usiner ses riffs plutôt que d’user de poncifs affiliés à une tendance musicale, Demon Head cultive sa propre approche. Through Holes Shine The Stars a le pouvoir de nous extraire du quotidien, une brèche hors du temps, dans laquelle il convient de s’attarder pour en savourer chaque seconde. Douce comme l’éclair d’une hache dans la nuit, The Chalice vaporise ses poisons, aux orgies des derniers banquets, sous la coupe de fades voluptés, le temps est désormais compté. Les guitares rugissent dans une gravité terrifiante et vient ce chant crépusculaire. La bouche brûle de mots non prononcés, les voix doublées de ce couplet sont des torches qui viennent illuminer l’obscurité. Le tempo monte comme les étincelles d’un grand feu –Draw Down the Sky prend ici tout son sens.
Finir sous la dent du fauve à l’heure où le soleil se sauve, Deeper Blades perce le secret enfoui au plus profond de la chair, une poésie polysémique qui prend des tournures dissonantes, étonnamment ensorcelantes. Les restrictions de l’espace-temps de la vie quotidienne condamne chacun à une répétition et un écoulement linéaire de sa propre vie, dans une dévalorisation générale, la passion a disparu, un goût de nihilisme à défendre des valeurs absurdes accumulatives a gagné sur l’existence, que restera-t-il de toute cette tristesse ?
Il n’y a rien de prophétique à souligner qu’une telle inquiétude va se prolonger dans le temps. C’est cela que murmure Demon Head dans This Vessel Is Willing (J’ai soif de vision dans ce désert aride où je verrai la mort sur vos visages vides). Il est complètement inutile d’économiser sur le néant, quelle solution s’offre à chaque individu pour détruire ce qui lui est nuisible ? Vous qui aimez entendre rugir les lions édentés, les lièvres tirer le pistolet et les chiens de faïence s’escrimer avec des os. Quel supplice de vivre dans votre enfer ! Nous avons réussi l’exploit d’étendre la survie à l’ensemble de l’existence. Through The Holes Shine The Stars est une pierre à l’édifice, de celle dont la cosmologie se répercute à l’infini.
Franck irle