Dans Un amor, Isabel Coixet dresse le portrait d’une femme à la personnalité complexe, se confrontant à la domination masculine dans un village d’Espagne. Un film étrange et opaque mais duquel se dégage une belle atmosphère.
Décidément, la campagne espagnole n’est pas très accueillante pour les citadins qui décident de venir s’y installer. On se souvient, dans As bestas, du couple formé de Denis Ménochet et Marina Foïs, qui se faisait pourrir leurs nouveaux projets par une bande de rustres autochtones. Cette fois, c’est au tour de Natalia, une citadine venue retrouver un peu de quiétude dans un village de la campagne espagnole, de se voir déranger par quelques mâles locaux, un peu trop envahissants.
Nat ne cherche qu’une chose, le calme, la paix pour pouvoir se déconnecter de ce monde où elle exerce le métier de traductrice. La voilà donc installée dans une maison en mauvais état, pleine d’infiltrations, et dont le propriétaire, un sale bonhomme acariâtre, refuse de faire les travaux. Finalement, elle va accepter l’offre quelque peu étrange d’un voisin, surnommé l’Allemand, qui lui propose de lui refaire sa toiture, et en échange « d’entrer en elle », lui qui n’a plus connu de relation amoureuse et sexuelle depuis bien longtemps. Sans vraiment comprendre pourquoi elle accepte ce deal scabreux, le spectateur se rend compte, finalement, que ce troc d’un genre un peu particulier va se transformer en une relation amoureuse.
Mais qu’est ce qui pousse Nat à revenir sans cesse vers cet homme ventru et brutal ? Et puis il y a ce chien hermaphrodite qu’on lui a donné et auquel elle s’attache viscéralement…
Tiré d’un roman de l’écrivaine Sara Mesa, c’est un film plein d’ambiguïté, de silences et de mystère que nous propose la réalisatrice espagnole Isabel Coixet. Un film dans lequel on se pose de nombreuses questions sur les désirs de cette femme. Elle refuse les invitations d’un homme au charme évident et plutôt raffiné, préférant se donner à un autre, plus brut de décoffrage.
Si le film n’est pas totalement concluant, globalement trop opaque, il dégage en tout cas une atmosphère très particulière, assez dérangeante, avec le mystère qui plane sur la personnalité de cette femme (très bien interprétée par Laia Costa), dont on ne sait rien du passé, proie volontaire, ou non, d’hommes aux intentions diverses.
Un film qui parle aussi de la solitude, et de ces lieux reculés, de ces villages où tout le monde connaît tout le monde, où la rumeur se colporte facilement et où il est parfois difficile pour les étrangers, surtout quand il s’agit d’une femme seule, de se faire une place.
Benoit RICHARD