Dans ce récit autobiographique, la plasticienne Clémentine Mélois retrace les dernières semaines de son père, le sculpteur Bernard Mélois. Faisant revivre avec tendresse et drôlerie l’histoire de toute une famille aimante, elle livre un émouvant portrait de celui qui lui a transmis son regard singulier et joyeux sur le monde.
Il était « Pap », son héros et son père adoré. Il est mort le 27 juin 2023, trois ans après le diagnostic de son cancer. Bernard Mélois était un artiste, un bricoleur de génie, un sculpteur plein de fantaisie, qui ne savait manier le fer à souder qu’en chantant « Petite Fleur »…
On connaît bien Clémentine Mélois, plasticienne et écrivaine, membre de l’Oulipo. La première de couverture nous la montre, enfant, sur une luge tirée par son père. Une photographie en noir et blanc, rehaussée de bleu. Le bleu, la couleur qu’il a choisie pour customiser son cercueil – le modèle le moins cher. Et justement « Il faut que je raconte cette histoire tant qu’il me reste de la peinture sur les mains », annonce d’emblée Clémentine Mélois. « Elle finira par disparaître, et j’ai peur que les souvenirs s’en aillent avec elle, comme un rêve qui s’échappe au réveil et qu’on ne peut retenir. » Pour son père, elle a souhaité « un enterrement de pharaon ». Et cet enterrement, elle l’a voulu comme une fête, tendrement préparée avec sa mère et ses soeurs. Avec lui aussi, véritable metteur en scène et chef d’orchestre de ses propres funérailles.
Conçu comme le journal de bord d’une mort annoncée, Alors c’est bien, loin de se concentrer sur l’issue fatale, fait la part belle à la vie. Aux souvenirs d’enfance dans la maison familiale de La Ferté-Milon, recouverte de vigne vierge, de glycine et de rosiers grimpants. Aux virées dans les déchetteries environnantes dans l’espoir d’y trouver l’objet-rebut que l’artiste-alchimiste transformerait en oeuvre d’art, délirante et poétique. À sa joie de vivre, sa tendresse, son énergie inépuisable. Au couple aimant qu’il a formé avec sa mère, aux parents exceptionnels qu’ils ont été. Ainsi, Alors c’est bien, tombeau du père tant aimé, pose-t-il un regard inattendu et ô combien émouvant sur la mort et sur le deuil. Traversé par un formidable élan vital, il nous éclaire aussi sur ce qui, dès l’enfance, a nourri la fibre artistique de Clémentine Mélois et explique sans doute la singularité joyeuse de son oeuvre.
« Alors c’est bien », c’est souvent ainsi que Bernard Mélois concluait une conversation avec sa fille. Ce seront aussi ses derniers mots, à jamais gravés dans la mémoire de Clémentine.
– Je suis mort, là?
-Non, pas encore, papa, mais c’est pour bientôt. Tu vas t’endormir et tu ne te réveilleras pas.
-Alors, c’est bien.
Anne Randon