Cet album, le premier de cette collection consacrée aux grand reporters couronnés du Prix Albert Londres, honore le travail d’Henri de Turenne lors de la Guerre de Corée.
Bien que sans lien de parenté avec le Maréchal de Turenne, Henri de Turenne descend d’une lignée de guerriers. Son père est un authentique as de la Première guerre mondiale. Henri, lui, ne sera « que » reporter de guerre. Il découvre le métier de journaliste dans le Berlin de la guerre froide. Alors qu’il allait se marier, il accepte de rejoindre la Corée où il restera, au final, huit mois. Par chance, la fiancée l’aimait, elle l’a attendu. Médusé, Il assiste à la rapide déroute des Sud-Coréens et de leurs alliés, avant que les renforts venus des USA ne renversent la situation, chassant les Nordistes jusqu’à la frontière chinoise… Jusqu’à que les Chinois n’inversent à nouveau le rapport des forces, reprenant Séoul qui ne sera définitivement sauvé que deux ans plus tard.
Le scénario de Stéphane Marchetti est tiré des articles et des lettres de Turenne. Le jeune homme observe, écoute, interroge et décrit fidèlement ce qu’il voit, la surpuissance américaine, la sauvagerie des combats, la détresse des civils pris entre deux feux, sans omettre les exécutions sommaires. L’affrontement entre les deux superpuissances ne doit pas faire oublier le surcroit de cruauté inhérent aux guerres civiles. Même s’il est souvent en seconde ligne, il prend des risques et son camarade y laisse la vie.
À défaut d’être toujours exact, le dessin de Rafael Ortiz est sérieux et documenté. Le style est réaliste et académique. Généreux, il nous offre des plans d’ensemble et de belles séances nocturnes. Consciencieux, il s’applique à décrire les horreurs de cette guerre oubliée tout en restant fidèle au récit, précis et argumenté, du journaliste.
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » écrivait Albert Londres. Or, ce conflit absurde s’achève par un cessez-le-feu sur la ligne du 38e parallèle, exactement là où il avait débuté trois ans plus tôt. Cette « partie nulle » aura, entretemps, ravagé le pays et tué 4 millions de personnes, dont la moitié de civils ! La plaie coréenne était vive et purulente.
Stéphane de Boysson