Une châtelaine, qui vit dans l’Allier, apprend que son mari est ressuscité ! Fake news ou vrai miracle ? Le style enjoué de l’auteur fait une fois encore mouche dans ce roman rempli de personnages truculents qui interroge sur le besoin maladif de croire en quelque chose.
Hermine de Larmencour est une châtelaine qui n’a pas la foi, même en grattant bien derrière sa particule. Nul besoin pour cette pimpante sexagénaire de se raconter des histoires pour accepter sa finitude. A défaut de croire les yeux fermés à un idéal qui la dépasse, elle ne devait son espérance qu’à son caractère volontaire. Pour que la lumière vint ou fut, pragmatique, elle s’en remettait à la fée électricité, et pour trouver son chemin, un bon GPS faisait toujours l’affaire.
Elle ne compte donc pas trop sur l’église pour faire le deuil de son mari, trépassé il y a quelques jours, mais soucieuse des convenances et de son pédigrée d’AOC dans son patelin, elle vient d’organiser les obsèques de feu Paul comme il se doit, avec la méticulosité d’une maîtresse de maison rompue aux mondanités spirituelles. Elle garde son chagrin pour elle.
Veuve, oui, mais pas trop, car le tombeau du défunt est profané peu après l’enterrement. A peine froid et déjà dégivré. Dépouillée de la dépouille, « la bonne nouvelle » du titre, c’est que plusieurs témoins affirment avoir assisté à des apparitions du mort. Deux jeunes à jeun assurent même avoir taillé le bout de gras avec lui au restaurant.
La rumeur de la résurrection se propage plus vite qu’une bronchiolite dans une crèche et le bouche à oreille, sans transiter par le cerveau, dépasse la tranquille commune de l’Allier. La presse s’empresse, des illuminés tamisés commencent à rappliquer, la Mairesse du coin y voit un tremplin politique et le Vatican dépêche d’urgence l’étrange père Benjamin Spark pour enquêter et protéger le postulat de sa boîte : il ne faut pas le voir pour le croire. Les avantages du bénéfice du doute.
Hermine connaissait suffisamment son mari pour savoir qu’il n’avait pas le CV idéal pour incarner un nouveau messie. C’est « Pâques », c’était un mauvais mari, Paul avait réussi sa vie, mais il n’avait jamais fait de miracles, à part peut-être au lit, avec ses maîtresses. Pas certain que ce type de prouesses valide sa candidature pour la résurrection des justes. Et puis, par le passé, Dieu avait privilégié le piston familial pour le poste.
Alors, hoax de supercheriens, canular et bobards, rumeurs de l’au-delà, fake news de plus à rajouter dans les Ecritures, miracle du retour à la vie, trompe-la-mort, des Mirages en Rafale (pris par la patrouille…) ? Hermine la dubitative va mener son enquête et ne pas ménager sa peine. Si elle voit le mal partout, elle va se rendre compte que le bien aveugle tout autant.
Le style enjoué de l’auteur de Etat de Nature (2019) et du conte oriental Badroulboudour (2021) m’a beaucoup amusé, et derrière la fable faussement sacrilège, l’auteur interroge avec ironie le manque de transcendance de notre époque et le besoin maladif de croire en quelque chose. C’est le syndrome du voyageur perdu dans le désert qui a tellement soif qu’il voit des oasis partout.
La quête mystique d’humains faillibles est commune aux trois romans de Jean-Baptiste de Froment, qu’ils évoquent le pouvoir, la politique, le passé, l’avenir, les passions ou la religion et son humour élégant épargne le lecteur de toute moraline existentielle.
La bonne nouvelle est infesté de personnages truculents, très bien construits où même les seconds couteaux sont bien aiguisés et il est impossible de résister à la franchise d’Herminator qui nous dévoile ce qui se cache derrière le philtre des apparences.
Un dernier bon point avant de me repentir : un dénouement inattendu qui flirte avec les frontières du réel.
Ce n’est pas avec ce genre de billet que je vais gagner ma place au Paradis.
Olivier De Bouty