Dans Fort Alamo, Fabrice Caro se met dans la peau d’un homme qui a le pouvoir malgré lui d’éliminer ses semblables. Un roman ponctué d’humour, mais duquel ressort une forme de poésie et de mélancolie évidente.
Parfois, dans la vie, il vous arrive des trucs complètement dingues. Prenez l’exemple de Cyril, le personnage principal du nouveau roman de Fabrice Caro : alors qu’il est tranquillement en train de faire la queue à la caisse de son supermarché, il se fait doubler, ni vu ni connu, par un monsieur sans gêne. Maudissant cet homme, alors que lui doit aller rechercher sa fille à l’école, voilà que le malotru s’effondre soudain dans le magasin, victime d’un AVC. Quelques jours plus tard, d’autres incidents similaires vont se dérouler avec, à chaque fois, une situation dans laquelle notre ami Cyril se retrouve très agacé par une personne ou un animal qui finira par trépasser.
Cyril se pose alors beaucoup de questions sur ce nouveau pouvoir qui l’embarrasse, à tel point qu’il est persuadé qu’il va provoquer la mort de sa belle-sœur : « Plus j’y pensais, plus cette certitude s’ancrait en moi : je ne devais pas partager le repas de Noël avec Corinne. C’était un meurtre annoncé. Je me repassais les éditions précédentes et chaque étape de nos Noëls rituels comportait un motif d’irritation, d’exaspération, de colère. »
Mais comme le dit Peter Parker, dans Spiderman : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », et il va donc falloir pour notre homme apprendre à maîtriser ses émotions pour ne pas provoquer de nouveaux désastres.
Après Journal d’un scénario (2023), farce burlesque sur les affres d’un scénariste de cinéma, Fabrice Caro se met dans la peau d’un professeur d’histoire, plus vrai que nature. Il faut dire que l’auteur a durant un temps exercé le métier de professeur avant d’entamer une carrière artistique et qu’il en gardé quelques souvenirs. On retrouve dans ce roman aux accents fantastiques l’humour, l’ironie et le sens de l’absurde très aiguisé de l’auteur avec cette histoire de super-héros tueur qui va devoir lutter contre ses démons intérieurs.
Comme souvent, l’auteur nous livre une galerie de portraits truculents, dessinant, avec son sens très aiguisé du détail, des hommes et des femmes comme on en a tous fréquentés et avec lesquels il faut composer qu’on le veuille ou non. Entre les traits d’humour, il se dégage une forme de poésie et de mélancolie évidente, notamment, quand le narrateur évoque la disparition de sa mère, et le travail de deuil qu’il doit faire en allant vider la maison familiale en compagnie de son frère. Un acte auquel il a du mal de se soustraire
Fort Alamo est roman aux allures de métaphore, peut-être pour dire que même si l’on ne maîtrise pas tout dans la vie, même s’il y a parfois des choses auxquelles il faut se soustraire, avec un peu de recul et de maîtrise, il est possible de continuer à aller de l’avant, en laissant de côté le mauvais et en gardant le meilleur.
Benoit RICHARD